Sinners est passionnant par les mythes et symboles qu’il convoque. L’investissement du réalisateur et scénariste Ryan Coogler (Creed, Black Panther 1 et sa suite) sur ce projet est réel. Son amour pour le blues également. Il revisite ici, sur un mode à la fois fantastique et horrifique, le mythe de Robert Johnson, bluesman dont la légende veut qu’il ait acquis son génie par un pacte conclu avec le diable à un carrefour de Clarksdale.
Les sections musicales constituent d’ailleurs les passages les plus inspirés de Sinners. Si l’audacieux plan-séquence lors duquel le réalisateur déplie sa vision pan-chronique de la musique noire est évidemment remarquable, cette gigue irlandaise entamée par la horde de hillbillies aux dents longues emporte à mes yeux le morceau. Le choc de ces deux séquences enrichit d’ailleurs le propos du film en amenant le conflit racial sur le terrain culturel. La présence au casting du jeune Miles Caton, musicien de profession, et de Buddy Guy, descendant spirituel de Robert Johnson, prolonge également la question de la filiation artistique au-delà de l’écran. Le long-métrage de Coogler regorge ainsi d’idées aussi astucieuses que pertinentes - comme celle de différencier les vampires des membres du KKK. Bref, il y a dans Sinners matière à de passionnantes réflexions socio-culturelles.
Malheureusement, Ryan Coogler échoue selon moi à mettre en récit ces idées avec suffisamment de force. La narration se traîne un peu : elle manque de mordant et de vigueur. Et en dépit d’une longue phase de présentation des personnages, j’ai éprouvé des difficultés à m’y attacher. Cela se ressent particulièrement dans le final, que j’ai trouvé un peu expéditif sur le plan dramatique.
Malgré ces défauts, Sinners présente suffisamment de qualités pour en faire un passionnant objet d’étude. Il reste également une proposition de cinéma des plus intéressantes dans un paysage cinématographique aujourd’hui moribond.