Smashing Machine par SimBoth

Pour son premier long-métrage sans son frère, Benny Safdie réalise un biopic sur l'un des pionniers du Mixed Martial Arts, un champion de lutte ayant combattu à l'UFC et au Pride, Mark Kerr. L’œuvre débute sur les firmaments de sa gloire, présentant un combattant colossal et qui paraît invincible. Mais rapidement, l'auteur prend à revers la dynamique du film sportif en présentant un moment de creux pour son champion, déjà à la lisière de son déclin. Hâtivement également, on comprend les tourments de ce golgoth imposant, interprété par un impeccable Dwayne Johnson, dont la carrure à la virilité testostéronée et la violence de ses combats contrastent avec le calme méthodique, l'éloquence étudiée et la politesse rigoureuse de sa personnalité.

En effet, c'est un homme plus que vulnérable et fragile, capable de pleurer dans les bras de son meilleur ami, lui aussi légende du MMA, Mark Coleman. Il est à même de la plus grande tendresse fusionnelle avec sa fiancée, mais leur relation bat de l’aile à cause de sa dépendance aux opioïdes et de ses aspérités forcément égoïstes face à l'exigence de sa carrière sportive. Par son sentiment d'exclusion légitime, la femme en devient possessive et intransigeante avec son homme, créant une vraie poudrière toujours prête à imploser dans leur foyer. Ainsi, son addiction aux médicaments, la relation toxique avec sa compagne et sa peur maladive de l'échec font de Mark Kerr un être fébrile et sensible.

Entre drame conjugal et épopée sportive, le cinéaste veut coller au plus près et pénétrer l'intériorité de son personnage. En effet, inspiré par un documentaire déjà réalisé sur le combattant, Benny Safdie impose un réalisme intime, proche du home movie, qui scrute dans une authenticité brute et immersive le quotidien de ce titan pétri de douleur. Les combats sont filmés avec une brutalité et une proximité physique nettes, sans jamais céder au spectacle sensationnel. Leur viscéralité détonne avec les décrochages poétiques et les flottements mélancoliques lorsque le protagoniste se retrouve en dehors du ring. Par ailleurs, on retrouve le naturalisme cru et l'atmosphère vaporeuse, nimbés par une photographie très granuleuse et chromatique, ainsi qu'une musique planante mi-jazz, mi-électro, propre au style habituel des Safdie.

Tout cela parfait une retenue expressive et une sobriété épurée qui épousent le stoïcisme et la modestie de son sujet souffrant en silence. Le MMA est donc plus un contexte pour dévoiler le combat intérieur contre ses démons et lui-même d'un être hors norme, duquel son épuisement et sa fatigue le ramènent au commun des plus mortels. Le film aurait par moments mérité d'être moins convenu et moins elliptique afin de mieux étirer la trajectoire dans ses retranchements. Mais cela reste un humble long-métrage à la fois âpre et délicat sur une idole fracassée dont le retour à la gloire est impossible, mais qui reste digne dans le combat de la vie.