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L’avis sans spoil (de ma part) : que vous connaissiez le twist final ou non, c’est à voir.
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Quelques critiques dont je partages les avis bien qu’elles soient positives et négatives. C’est daté, certaines scènes sont poussives, pourtant c’est glaçant et réussit à certains moments :
https://www.senscritique.com/film/soleil_vert/critique/2788577
https://www.senscritique.com/film/soleil_vert/critique/24577517
https://www.senscritique.com/film/soleil_vert/critique/44875367
https://www.senscritique.com/film/soleil_vert/critique/19160111
Je redoutais de visionner ce film dont j’ai toujours connu la chute. D’aussi loin que je me souvienne c’était une référence d’anticipation dont on brandissait le twist au cours d’une conversation comme on aurait parlé de la novlangue/néo-parler de 1984 ou de la soumission par le plaisir du Meilleur des mondes. Je craignais, à force qu’on m’ait rabâché le fond de l’histoire, qu’il n’y ait pas grand-chose d’intéressant en dehors du retournement de situation, ou que ça soit trop daté.
Une étude a montré que le fait de connaître la fin ou le twist d’une œuvre ne gâchait pas forcément l’expérience, la renfonçait même dans certains cas. Après tout, on vibre bien à des œuvres qu’on revoit et dont on connaît pourtant chaque péripétie. Ce cas en est un exemple. J’aurais vraiment du tenter l’expérience plus tôt.
J’ai été régalé par ce film qui est du bon côté de la SF vieillotte, genre « La Planète des singes ». S’il y a des raccourcis voire des impossibilités ils ne desservent pas le sens général de l’histoire. On est dans la sphère du « Voyage dans la lune » ou de « La Machine à explorer le temps ». C’est naïf par moments, avec quelques trous dans le scénario, mais le sens général du film et ses critiques de la société restent accessibles et très pertinentes, même 50 ans plus tard. C’est par exemple, bien supérieur à « Logan’s Run » qui partage pourtant des préoccupations et une structure similaires.
Daté, le film l’est, mais pas d’une façon gênante. Avec son esthétique de futur usé (telle que dans Alien, Blade Runner ou Star Wars), un futur qui a du vécu en somme, il crée un climat qui lève certaines réserves.
J’avais aussi le sens du titre, de réputation mal traduit en français. S’il règne à l’extérieur une sorte d’atmosphère soufrée, suffocante et jaunâtre, il ne s’agit pas de soleil mais de nourriture à base de soja et lentilles le Soy-lent. J’avais le titre et le twist, que me restait-il à découvrir...
La séquence d’ouverture est vertigineuse et digne d’un Kooyanisqatsi en accéléré. Incroyable ! C’est intelligemment fait, il y a un peu de l’esprit de l’excellent « Fail Safe », c’est limpide et visionnaire. Preuve qu’il ne s’agit pas toujours d’effets spéciaux mais de langage cinématographique pour réaliser une bonne séquence.
Si le monde à venir n’est pas vraiment celui du film, c’est extrêmement bien vu et nous sommes bel et bien dans le réchauffement climatique évoqué dès les premières lignes de dialogue. Blade Runner 2049 sera en prise directe avec le film (atmosphère orangée, disparition de la biosphère, nourriture à base de vers). On est 50 ans avant. Mais qui aurait pu prédire, comme dirait l’autre ! 🤦🏻♂️
La représentation des femmes d’intérieur est glaçante. Y compris et surtout par l’introduction de la principale d’entre elles qui joue comme une jeune fille. C’est un point qui raconte plusieurs choses du film, c’est peu fréquent scénaristiquement.(1)
La critique de la condition féminine vaut pour le futur dans lequel l’histoire se passe autant que pour les seventies elles-mêmes. Comme nombre de films d’anticipation, le voir c’est faire autant un voyage dans le futur que dans le passé. On regarde surtout les années 70 nous parler d’elles-même et de leurs angoisses. Angoisses dans lesquelles j’ai largement été élevé. La critique du futur est la critique du maintenant de l’époque. Une critique qui se propage au grès des décennies et qui continue même quand l’histoire a rejoint les dates où elle est supposée se dérouler. Elle entre dans une réalité parallèle qui la protège de l’impossibilité et lui permet de continuer à nous critiquer (comme l’ont fait Retour vers le futur, Blade Runner, Terminator en leur temps).
Ainsi donc, ce film nous renvoie le miroir critique du capitalisme, du consumérisme, de la place des femmes dans une société patriarcale, de la fabrication de la pénurie et des pauvres, des politiciens véreux, de la police aux ordres, de la population qui ne compte pas...
Évidemment, c’est dans son jus et j’ai même hésité à mettre ce film dans ma liste des « déroulés de scénarios ». Les figurants figurent un peu trop, quelques scènes ne sont là que pour dire ce qu’elles disent et rien de plus mais ce sont plutôt des moments charnière et le film s’en sort haut la main grâce à quelques scènes magnifiques : L’introduction (sans putin de voix off!!!), le repas, les pelleteuses(2), le conseil, le foyer (avec le changement d’éclairage au moment de la mort, c’est rien du tout et c’est le summum du tragique)…
Les corps tristes et tassés(3), vêtus d’une façon uniforme qui renvoient autant à l’usine, qu’aux camps de concentration ou à la dictature stalinienne, offrent le contraste nécessaire aux quartiers de luxe. On pense aux résidences-bunker privées états-uniennes comme aux îles privées d’ultra-riches telles qu’évoquées dans la série « L’Effondrement ». Et il suffit que le film évoque des fermes interdites protégées par l’armée pour achever le tableau.
Enfin, la surprise aura été de découvrir que le twist que je connaissais n’était pas le vrai twist.
Le twist, ce n’est pas l’horreur du cannibalisme. Bien sûr, c’est une image importante. D’une part c’est la parfaite métaphore du libéralisme. Il y a aussi les craintes des totalitarismes de l’époque. Mais le film est tellement visionnaire qu’il n’a pas l’air d’avoir compris lui-même l’importance de ce qu’il a envisagé : les océans se meurent.
Maintenant vous pouvez avoir peur.
Une affreuse bonne surprise que ce film que j’ai vu sous plusieurs réalités à la fois. Comme ces lunettes, une couche bleu, une couche rouge, qui font voir en 3D : Les seventies de mon moi enfant qui aurait du voir ce film mais connaissais le twist. Les rêves et cauchemars des années 70. Les qualités propres du film, son histoire et surtout ses qualités cinématographiques. Jusqu’à mon mari qui, lui, avait échappé au twist jusque là. Je pouvais faire la double expérience de voir le film en connaissant la fin et, à travers ses yeux, sans la connaître.
Trop mignon de l’entendre dire « oh mais ils vont en faire du pétrole pour faire tourner les machines », ce qui n’était pas idiot vu qu’on voit des problèmes d’alimentation en énergie. Et moi de penser "T'as rien vu encore".
Le problème de ce film, c’est de ne plus voir de l’anticipation mais un docu-fiction !
8/10
Vu 1 fois, avec au moins 40 années de retard.
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(1) (2) (3) :
(1) 1/ ça installe un contraste avec le monde de l’extérieur, le monde général 2/ ça montre une certaine gentillesse de la part du corrompu, dont on n’apprendra qu’il n’a plus le cœur à la bagatelle depuis des mois parce que sa culpabilité le ronge 3/ ça montre la jeunesse de ces prostituées de luxe offrant ainsi une lecture en poupées russes de la critique du patriarcat du film. Ce « mobilier » est une femme au foyer prostituée, ce qui est un pléonasme à l’époque. Et c’est aussi une critique de la consommation de « chair fraîche ». 4/ accessoirement ça pose le jeu vidéo comme élément du futur. J’ai rarement vu une scène avec autant de sens à la fois pour l’intrigue et pour l’analyse.
(2) Pour une fois, l’idée d’un remake pourrait me séduire. Un film qui reprendrait les bons aspects comme l’intro ou la scène du foyer mais avec plus de crédibilité et d’immersion quant à la foule (on pense au talent d’un Nolan ou d’un Villeneuve).
(3) Malgré l’aspect carton-pâte de la figuration, le film tient ses promesses. Les enjeux sous-jacents sont clairs. « Les fils de l’homme » sur lequel j’avais toujours eu des doutes parait encore plus faiblard en comparaison. L’image est belle mais il n’a pas trop de sens. Évidement, comme je l’exprime précédemment, un « Solyent Green » (quitte à refaire un tout nouveau scénario) qui aurait les compétences visuelles d’un « Fils de l’homme » en gardant la clarté, la pertinence et les traits de génie de l’original, ça serait fabuleux.