"... avec la Force. La Force est avec moi, je fais corps avec la Force. La Force est avec moi...".
Le mantra répété par Donnie Yen dans "Rogue One" est aujourd'hui quasiment devenu celui du spectateur prêt à se lancer dans l'aventure du visionnage de ce premier spin-off consacré à un personnage phare de "Star Wars", Han Solo. Avec tous ses problèmes de production devenus eux-mêmes une saga à part entière, il est quasiment impossible de ne pas trembler à l'idée de découvrir "Solo", potentielle première victime d'une offre cinématographique "Star Wars" qui se décuple à un rythme effréné. Depuis le départ du tandem de réalisateurs Phil Lord/Christopher Miller, "Solo" n'a fait qu'enchaîner les faux-pas et augmenter les craintes autour de son résultat final. Pourtant, on se prenait à rêver que, de cette adversité, naisse un film qui aurait à coeur de prouver qu'une réussite inattendue puisse jaillir d'un déchaînement de vents contraires et parvienne à clouer le bec de tous ses détracteurs ainsi que les appréhensions des spectateurs les plus fébriles. Hélas, tout le positivisme de notre imagination va très vite aller méchamment se crasher dans les abysses d'une galaxie très lointaine face au spectacle tristement désincarné qui va nous être présenté ici...
La première curiosité de "Solo" est qu'il ne semble jamais comment savoir s'affirmer en tant que film susceptible d'être essentiel à la saga. On a en fait constamment le sentiment de feuilleter une de ces BD dérivées et écrites un peu à l'arrache pour compléter une histoire bien plus importante d'un autre film. Le but est donc de chercher à créer un semblant d'intrigue avec quelques péripéties pour en rappeler ou en compléter de meilleures, de proposer des réponses à des questions de fan-service qui n'en appelaient pas forcément, d'inventer des personnages qui seront oubliés au bout de ce prolongement mais qui donnent l'impression d'un ensemble plus vaste, de relier ça à d'autres piliers de la vraie histoire grâce à des allusions ou des apparitions lointaines... Bref, on ne cherche pas à fabriquer quelque chose de marquant mais juste à contenter ceux qui voudraient encore faire durer une bien plus chouette aventure. Et c'est exactement ça, "Solo", un spin-off qui n'arrive jamais à acquérir son indépendance ou une véritable personnalité d'une oeuvre bien plus vaste !
D'une indigence réellement pathétique qui se finira dans une apothéose de twists ri-di-cu-les, son intrigue n'est là que pour chercher à étoffer le passé d'un Han Solo qui n'en avait pas besoin et dont le film ne parvient pas à justifier la pertinence. Vous jubilez à l'idée de découvrir sa première rencontre avec Chewbacca ? De celle avec Lando ? De sa première virée à bord du Faucon Millenium ? Eh bien, vous verrez tout cela mais de la manière la plus banale qu'il soit, jamais à la hauteur de vos espérances et toujours inscrit dans un contexte rappelant d'autres moments bien plus épiques.
Et, si vous comptez sur les éléments nouveaux pour compenser, c'est peine perdue, la galerie de personnages inédits est déjà quasiment oubliée ! Soient ils sont trop prisonniers des rebondissements gênants du récit pour être crédibles (Emilia Clarke, Woody Harrelson, ...), soient ils ne servent absolument à rien (pauvre Thandie Newton) ou sont cantonnés à être des éléments humoristiques (la droïde pleine de revendications qui colle trop bien à notre époque pour être honnête). On sauvera néanmoins peut-être Paul Bettany en vilain un plus marquant que tous ceux qu'il côtoie. À vrai dire, il n'y a rien de mieux à dire des personnages célèbres : sur l'énigme Alden Ehrenreich dans le rôle-titre, l'acteur dégage indéniablement quelque chose mais il se saborde presque à chaque fois en singeant les mimiques et postures d'un Harrison Ford au charisme cent mille fois plus puissant, il est impossible de rivaliser mais le bonhomme ne paraît pas avoir assimilé cette problématique, seul Donald Glover marque les esprits avec sa version jeune et décontractée de Lando.
Enfin, quant aux petites allusions et autres caméos, là encore, rien de bien transcendant, si ce n'est une surprenante apparition reliée à l'univers cinématographique de la saga mais aussi à une autre donnée.
Ce qui aurait pu véritablement donner de la consistance à "Solo", c'est la différence de son approche. On sent en permanence une volonté de coller au plus près à cette espèce d'esprit désinvolte propre à l'âme d'aventurier de Han Solo pour en exprimer à la fois sa légèreté et son statut de tête brûlée mais cette approche qui aurait sans doute fait des merveilles entre les mains du duo Lord/Miller se retrouve ici bridée par la vision de bon artisan de Ron Howard qui n'en livre qu'un aperçu permanent et terriblement frustrant dans un divertissement ne s'extirpant jamais de son caractère le plus lambda.
Malgré quelques bons moments, "Solo" n'a en fait pas d'âme et n'arrive jamais à nous convaincre qu'il se donne tous les moyens pour en dénicher une. S'il n'était qu'un blockbuster de plus, on serait peut-être plus indulgent mais, dans le cadre d'un spin-off sur un personnage emblématique d'une franchise cinématographique qui l'est toute autant, ça en devient tout de suite impardonnable.