Naze et oubliable. Mais y'avait de l'idée...

Solo : A Star Wars Story est naze, mal branlé, rushé à mort, oubliable, inoffensif...


Mais même si je le descend, je ne le fais pas de gaieté de cœur. Ce n'est pas de la déception ni du dégoût. C'est de la pitié. Car malgré les défauts rédhibitoires, beaucoup d'idées sont valables et intéressantes.


Le film propose une histoire qui se diversifie (braquage, infiltration, course-poursuite, western, scène de tension), encline à jouer avec son spectateur. Ca aurait pu donner quelque chose de dingue si ça avait été mieux maîtrisé ! Le trop bref passage dans l'enfer d'une guerre aux premiers jours de l'Empire, en mode Starship Troopers (''Serve your Empire, son !'') montre que les Rébellions ne déconnaient pas à l'époque, et me fait rêver d'un film sur les stormtroopers. Le pauvre Solo est perdu au milieu du feu, des tirs et des carcasses de métal des AT-AT rugissants ; tandis que son mentor Beckett flingue avec classe, et surtout détermination, en sortant d'une tranchée. Ca envoie du rêve !


Avare en vannes, le film évite le tout-humour, habituelle tare de Disney, alors qu'il se dirigeait pourtant vers une comédie avant d'être (heureusement?) réecri.


Les nouveaux personnages ont quelque chose d'intéressant. Beckett est un vieux badass contraint par les dettes qui ne veut que rentrer chez lui pour jouer du valacorde. L3, si elle a des réactions bien trop humaines pour un droïde normalement constitué, est drôle dans son obsession de réclamer des droits égaux pour les robots (je sais, je sais...Ca fait SJW, mais c'est utilisé d'une telle manière que ça ajoute un détail intéressant à l'univers, et c'est suffisamment en retrait pour ne pas devenir lourd). Qi'Ra, si elle ne brille pas par son développement, a au moins le mérite d'avoir de l'ambiguïté. Dryden Vos a du charisme en baron du crime, chaleureux mais prompt au pétage de câble. Dommage de ne pas lui avoir donné un aspect félin comme c'était prévu à la base. Et surtout de lui accoler le nom de famille de Quinlan Vos, l'un des Jedi les plus intéressants de feu l' ancien Univers Étendu, alors que les deux personnages n'ont aucun rapport (une nouvelle preuve que Disney crache sur les Legends...). Sans parler d'Enfys, meilleur perso du film, un capitaine pirate totalement stylé et surprenant. Son thème musical l'est tout autant, m'ayant rappelé les sons les plus tribaux de NieR ! La musique est d'ailleurs assez présente dans le film, et plutôt inspirée !


Mais voilà...Tout est rushé ! Tout va trop vite !


D'une, les personnages. Si je viens de lancer des fleurs aux nouveaux, il faut avouer que leur rôle se borne surtout à être des fonctions plus qu'autre chose. Tous sont fait pour faire avancer l'intrigue et guère plus...Et que dire des anciens ! Vous voulez un développement de l'amitié entre Han et Chewie ? On va garder ça pour la suite ! Ils ont si peu d'interactions entre eux que s'en est criminel. On retiendra seulement la scène de leur rencontre, plutôt bien trouvée, même si elle est gâchée par des trucs débiles :Han aurait pris wookie en LV2 au collège, fait passer Chewie pour un con et l'Empire pour des incapables...
Vous voulez plus d'interactions entre Han et Lando ? Il faudra repasser. On comprend à peine pourquoi ils sont devenus potes. Tout ce qu'on sait c'est que Lando baise avec des droïdes...(oui ça fait encore SJW, mais dans l'univers de Star Wars, ce n'est pas si surprenant finalement).


De deux, le scénario. Prenons le tout début du film. On commence sur Corellia, évoquant les conditions de vie difficiles d'Han et Qi'Ra pour...ne rien en faire. Comment on est censé avoir de la peine pour eux si rien n'est montré ?! Le passage d'Han comme soldat impérial ne sert guère plus qu'à le faire rencontrer Beckett, et à montrer qu'Han est un vrai guedin en contestant les actions impériales, alors que ça aurait été une vraie occasion de lui donner une épaisseur. Ensuite, on enchaîne les péripéties qui ne durent guère plus d'un quart d'heure chacune.


De trois, l'action. Non seulement elle n'est guère impliquante, elle est molle, générique...Mais en plus elle est rushée. Aucune scène d'action ne dépasse cinq minutes. Si vous avez vu la bande-annonce, vous avez aperçu la bataille sur le train. Plutôt prometteur hein ? Quasi aucune implication. Le croiseur impérial, la grosse bestiole ? Des scènes visuellement belles mais absolument pas percutantes. Inutiles. On a pas eu le temps de poser les enjeux, du coup on s'en bat les couilles. Et nos héros ne semblent jamais vraiment en danger, si ce n'est à la toute fin, qui se réveille un peu. Seul le passage Starship Troopers, et une action très bien filmée de Lando, valent la peine. Même la célèbre partie de « poker » où Han a gagné le Faucon Millenium (d'ailleurs pourquoi ont-ils besoin d'autant se faire chier à trouver un vaisseau à ce stade du film?) est ratée.


Vous voulez savoir comment réussir une scène de jeu de cartes ? C'est très simple.


Vous pouvez inventez votre jeu de cartes. Vous en expliquez brièvement les règles au spectateur. Elles doivent être simples à comprendre, mais suffisamment maléables pour pouvoir jouer avec. Et vous créez de la tension à partir de là.


Ou alors vous pouvez vous baser sur le poker, jeu très connu. Mais vous ajoutez du twist, du suspens, de la manipulation, une incertitude concernant la main des héros.


Il y avait de quoi faire une partie d'anthologie, comme dans Casino Royale ou le combat contre Daniel J.D'Arby dans JoJo's Bizarre Adventure...Mais non, Solo se contente de noyer le poisson à base de punchlines plates. Pas de temps pour la développer ? Peut-être. Peut-être que le film veut raconter trop d'événements, et finit par ne rien dire.


Esthétiquement, il s'en sort quand même avec les honneurs. C'est sale et gris, mais il y a de l'identité (plus que dans la Postlogie?). L'espace réserve parfois de jolis plans. Les aliens sont présents, pas assez, mais ils sont présents. Mais si l'on excepte Kessel, Corellia et une planète que l'on ne voit que quelques secondes, les mondes manquent d'inventivité. Pire, le film se fout de situer son action, criminel pour un Star Wars.


Mais pire encore, son rapport à la légende est gâché. Je préviens,


CE PARAGRAPHE VA SPOILER, alors si vous voulez garder la surprise intacte, passez directement au dernier paragraphe.
Si l'acteur s'en tire finalement bien, le personnage de Han est constamment mis verbalement sur un piédestal, alors qu'il ne le mérite pas vraiment. En évoquant toujours textuellement à quel point il est badass, le film échoue sur la règle basique du show don't tell !
Même les attributs du personnage sont baclés.
Vous voulez savoir comment Solo est devenu Solo ? Par une vulgaire nécessité administrative...
Le blaster ? Offert par Beckett sans cérémonie.
Saviez-vous d'ailleurs que Beckett avait tué Aurra Sing ? Oui, la chasseuse de Jedi qui se nourrit de la peur...C'est dit au détour d'une conversation comme ça, sans précisions, juste pour rendre Beckett badass. Il ne m'a pas eu l'air assez badass pendant le film pour être capable de tuer un adversaire pareil...
Et Maul. On annonce sans pression à ceux qui n'ont pas vus les animes qu'il a survécu et qu'il est le chef d'une mafia, alors que l'on voit mal le rapport qu'il entretient avec tout ce bordel. Je ne suis déjà pas fan de l'idée qu'il ait survécu au I, mais si en plus on force le fanservice dans un film où il n'a rien à y foutre...Sans compter que son CV va encore s'allonger alors qu'il est déjà long comme le bras, et que ça semble contradictoire avec ses objectifs finaux dans Rebels. On pourra toujours me dire que c'est un bon moyen d'obtenir des infos et de pouvoir, un jour, renverser son maître ; mais c'est forcé et facile. À la limite, j'aurais préféré que ce soit Palpatine, au moins ça aurait montré qu'il avait la mainmise sur quasiment tout, y compris sur les organisations illégales prétendant échapper au contrôle impérial. FIN DU SPOILER.


Solo est en train de faire un bide en France, et c'est mérité. Disney s'améliore avec les Marvel Studios, mais s'empire avec les Star Wars. Si Star Wars VIII avait au moins le mérite d'oser (le faire bien c'est autre chose), Solo joue la carte de la sécurité en proposant du classique...Mais le rate...Peut-être le plus mauvais Star Wars à ce jour, mais on le ressent tellement en mode Osef que c'est moins criminel que de rater un épisode des grandes trilogies. Disney n'a pour le moment réussi qu'un Star Wars sur 4 (Rogue One). Un et demi si je suis vraiment généreux avec le VIII. C'est vraiment un ratio pathétique pour une telle saga.

EvanGarnier
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le 24 mai 2018

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Evan Garnier

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