Kitano poursuit avec Sonatine son œuvre inclassable en rendant hommage à Kinji Fukasaku. Mais là où ce dernier œuvre en honnête artisan, Kitano apporte sa touche si particulière. En permanence sur le fil, entre histoire de Yakusa avec des bouffées soudaines de violence, comédie dramatique voire romantique et parfois absurde, il filme la fin tragique et consciente d’un chef de gang fatigué.

Envoyé sous des prétextes fallacieux sur l’île d’Okinawa pour des raisons politiques, le personnage principal joué par Kitano embrasse cette marche funèbre, manifestement usé par les années passées à racketter les commerçants de sa zone. Dès le départ il sait qu’il s’agit de la fin, et il décide de profiter à sa manière de ses derniers moments d’existence.

Le film prend alors une teinte particulière, entre morts et soirées sur la plage, scènes qui sont entrecoupées d’une histoire d’amour sincère pour une jolie autochtone. Ce mélange doux amer, entre le macabre et le drôle rappelle ce que feront certains cinéastes coréens vont faire par la suite, et bien sur le cinéma de Tarantino, mais pas forcément dans ce qu’il a de meilleur (Kitano ou Bong Joon-Ho sont plus performants que lui dans ce domaine).
Ici, mis en scène par Kitano, c’est tout bonnement magique. Epaulé par la musique de Joe Hisaishi, brillante comme souvent (Act of violence, Play on the sands) le film atteint son paroxysme dans une scène de boucherie dont on ne verra rien d’autre que des éclairs dans la nuit. On retrouve le cinéaste de Violent cop, et on aperçoit de temps en temps l’influence de Beat Takeshi, mais sous une forme désespérée.

L’ambiance qui se dégage de certains films de Kitano est tout bonnement incroyable. J’ai pourtant peu de raison de m’attacher au destin de ce meurtrier insensible, comme j’avais peu de raison de m’attacher à ses personnages de flics sociopathes, mais il a ce talent à faire passer par l’image, par son découpage (si particulier) une émotion forte pour les personnages dont il raconte l’histoire.
Du coup, ce sont des films que je regarde toujours avec plaisir, régulièrement, parce que ce qu’ils provoquent est la marque d’une certaine élite de réalisateurs qui touchent à l’intime d’une façon surprenante. Une élite trop restreinte malheureusement.
CorwinD
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le 8 déc. 2014

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CorwinD

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