Que dire…


Terrence Malick, au bout du bout de sa logique d’auteur maintenant, en roue libre diront certains, et ce depuis plusieurs films, continue de diviser critique et public. Après les errances métaphysiques de Tree of Life ou encore les crises existentielles de Knight of Cups, l’Américain prend pour décorum le monde du rock’n’roll, focale de choix pour imager, via sa dose habituelle de photographies éthérées et de travellings lancinants, le doute de l’Homme post-moderne. Tout un programme.


Je pourrais réitérer à l’envi les mêmes qualificatifs pour un Malick ces dernières années. Passé la première heure, les effets de mise en scène, comme produits à la chaîne, se substituant les uns après les autres, finissent de me bouter hors du film, et je reste à mille lieues du propos. Je ne vois plus que du tape à l’œil. Partout, tous le temps. une œuvre sensorielle lisais-je, exaltation des sens même, etc… Apothéose de l’ennui, plutôt. Terrence Malick filme depuis des sphères qui me sont inaccessibles. Oh j’imagine bien, comme toujours, que beaucoup pousseront le vice de l’exégèse à outrance, et aborderont sans doute des pans entiers que Malick lui-même ne soupçonnait pas. Même si en soi, la réflexion post-générique, fantasmée ou non, demeure un indice que le film mérite au moins un prolongement. En ce qui me concerne, la limite formelle est atteinte, la bascule vers la réclame ostentatoire actionnée. D’une qualité d’auteur authentique, je ne retrouve plus qu’une formule d’habile cinéaste, dirigeant ses acteurs comme faire-valoir pour son obsession formelle. Et vas-y que je te tartuffe des apartés en chuchotés, des mouvements de caméras ressassés, des plans larges dignes de dépliants d’agence de voyage. J’ai l’impression qu’à tout moment, je vais voir débouler en caractère bien gras: TripAdvisor, Rolex ou Maserati. Film de luxe, il n’empêche…


Mais au-delà des marques dans Song to Song, Terrence Malick requiert à de l’icône pour appuyer son homélie. Multiples caméos de rock-star au menu du chef. Il est toujours sympathique de retrouver le corps reptilien d’Iggy Pop ou le charisme irradiant de Patti Smith, mais leurs apparitions tiennent plus ici de la surenchère que de la nécessité. Il use et abuse du clin d’œil et la recette devient vraiment indigeste.


Cher Terrence Malick, il est bien curieux de jouer à l’abstraction en déployant un style aussi opulent. Le temps des champs, où tu moissonnais le ciel, les pieds bien ancrés sur le plancher des vaches semble si loin aujourd'hui. Redescends.

Liverbird
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le 19 juil. 2017

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