Alors au chômage, et sans perspective d'emploi, un homme décide de devenir auto-entrepreneur en travaillant pour une société de livraison de colis. Mais ce qui aurait pu s'avérer une perspective de rentrées financières va être un engrenage de plus en plus infernal où il va se mettre en danger lui et sa famille.
En voyant le dernier plan, et ce fondu au noir, difficile de se dire que le cinéma de Ken Loach se clôture ici, car il annoncé que Sorry we missed you est le dernier film de sa carrière. Cette fin est fort amère, à l'image de l'évolution de la société telle que le voit le réalisateur, où l'homme n'est plus considéré comme tel mais à la limite d'un automate qui doit toujours faire plus de rendement pour gagner toujours plus. Avec un système kafkaïen où les retards et absences sont pénalisées, ainsi que le maintien du scanner qui permet à cet homme de livrer ses colis. Et le tout géolocalisé par son employeur afin qu'il perde le moins de temps possible. C'est quelque chose de dingue, où ce type, formidablement joué par Kris Hitchen, perd de sa santé physique, cela contamine entre guillemets sa relation avec son épouse, qui a dû vendre sa voiture nécessaire pour faire ses tournées d'aide-soignante afin qu'il se paie sa camionnette, et son fils, un adolescent basculant peu à peu dans la petite délinquance car il est en manque de repères.
Du coup, le titre est fort bien trouvé, car il signifie non seulement le message que laissent les livreurs pour signifier que les clients n'étaient pas chez eux pour réceptionner le colis, mais que ce père et ce fils se sont ratés. Avec des scènes souvent dures, qui vont jusqu'à la confrontation, et qui montrent une inversion des valeurs morales, comme si voulait se soulever à la façon de cet adolescent.
Si on excepte un parenthèse bienvenue où le père et sa fille partent livrer des colis, où on admire ces moments comme on prendrait une bouffée d'air frais, le reste du film est d'une grande noirceur, où cela va aller de mal en pis jusqu'à une scène finale, à ne pas révéler, absurde mais qui est significatif du monde qu'on vit ; travailler coûte que coûte.
Au final, en dénonçant l'uberisation de la société, Ken Loach nous laisse dans un état exsangue, du genre démerdez-vous à présent, mais qui est, cinématographiquement parlant, très fort, avec cette caméra à l'épaule, et ces acteurs, amateurs pour la plupart, criants de justesse. Et ça ne donne plus envie de commander sur A.....