Animation superbe et dotée d'une touche psychédélique assez particulière (notamment lors des scènes de "vision" du personnage) par l'utilisation de ces spirales et ronds très caractéristiques qui, je dois l'avouer, m'ont provoqué une sorte d'hypnose surprenante mais surtout agréable. Osamu Dezaki honore le style japonais en ajoutant cette sublime bande-son aux airs traditionnels et classiques, autrement dit une pure jouissance auditive qui vient s'ajouter à notre contemplation de ce voyage spatial déjà exclusif.
L'idée de disperser les sentiments de notre héros (peu académique) à travers le cœur de trois femmes qui ne forment qu'un seul être à aimer est assez fulgurante mais géniale ! Qu'il est bon de voir un film sur l'espace s'accommoder de morales et de conventions étrangères à nos normes humaines, surtout pour édifier de la sorte la puissance universelle de l'amour !
Encore, on dénotera le portrait atypique de l'antagoniste, Crystal Bowie.
D'abord pour son design fabuleux : un corps humanoïde grand et transparent ayant pour chair une sorte de brouillard noirâtre, référence évidente au néant cosmique, résistant à toutes lames et à toutes armes si ce n'est à ses propres os de côtes (belle ironie du sort : quiconque voulant le tuer doit au préalable avoir pris l'extrême risque de se faire transpercer par ces aiguilles dorées).
Ensuite pour sa détermination déconcertante à poursuivre les ordres qui lui sont donnés, alors même que le film ne fait jamais référence au pouvoir concret que possède "La Guilde" sur lui ; autrement dit, Crystal Bowie est un être à la toute-puissance qui agit pourtant sous les ordres d'un tiers, comme si la hiérarchie spatiale était logiquement infinie.
Enfin, pour les traits émotionnels que le réalisateur lui accorde à l'égard de Catherine. Leurs interactions démontrent davantage qu'elle est l'objet d'un désir sincère (bien qu'il manipule son esprit, il prend soin de la traiter réellement telle une épouse) que celui d'une utilisation purement pragmatique.
On regrettera cependant l'absence dérangeante de dialogues (et non pas d'idées) profonds entre les personnages : là où Cobra se voit partager ses sentiments au fur et à mesure à chacune des trois sœurs (j'ai l'infime conviction que dans leurs derniers échanges, lors de ce regard d'adieu, Cobra et Catherine ont esquissé réciproquement, le temps de quelques secondes, la valeur de leurs sentiments par intermédiaire et la possibilité d'une vie amoureuse), c'est toujours l'acte charnel qui prévaut sur l'échange verbal et spirituel. Aspect assez ironique au vu de l'importance qu'ont le spirituel et l'idéologique dans le film... De même pour les altercations entre Cobra et son ennemi, leur dialogue bascule souvent dans une joute verbale de surface.
Le rythme reste aussi à reconsidérer, en partie à cause des quêtes du héros trop mal amenées et distribuées lors des 1 h 39 (les jonctions entre sa romance avec Jane et sa rivalité avec La Guilde sont trop courtes et abruptes à mon sens). L'anime de quatre saisons, sorti à la suite de ce film, doit profiter d'un partage assurément plus équilibré des péripéties et objectifs.
Voilà donc le reproche que je garderai à l'égard de Space Adventure Cobra – Le Film : ne pas avoir su s'imprégner suffisamment (et fondamentalement) de son sujet de base, l'espace, pour en absorber, à l'instar du merveilleux Les Maîtres du Temps de René Laloux sorti la même année, toute la richesse.
Que ce soit du vide spatial à l'étendue sidérale, la plus grande qualité des films de science-fiction extraterrestre est de parvenir à privilégier sur pellicule le Temps à défaut de l'Espace.