Ce titre fait référence à l'un des morceaux de la BO du film, composé par Cliff Martinez mais aussi à un dialogue du film : Celui où pour se motiver juste avant de braquer un fast-food, les filles se disent que tout ça n'est qu'un jeu vidéo. Cet extrait indique clairement que ces filles ne vivent pas dans le même monde, ou du moins la même représentation que nous, et déjà là, ça sent le film en décalage avec la réalité.

Alors que dire de Spring Breakers ? Réalisé par Harmony Korine, le sale gosse du cinéma américain indépendant à l'origine de Julien Donkey-Boy et Gummo, Harmony a d'abord fait naître beaucoup d'inquiétudes chez ses fans après avoir déclaré être en train de réaliser un film avec deux filles de chez Disney. Il lui avait été reproché de céder aux sirènes de la célébrité et de se plier aux contraintes standards des studios de productions mais ça, c'était avant de voir la bande-annonce du film. A partir de là, le film a bénéficié d'un nouveau buzz et il a été de nouveau envisagé que Spring Breakers serait un film collant plus à sa vision de la jeunesse en perdition. Ça promettait un film plus trash, plus osé que ce qui avait été présupposé.

Il faut dire qu'engager Vanessa Hudgens (High School Musical/Voyages au centre de la Terre 2) et Selena Gomez (Les Sorciers de Waverly Place), ce n'était pas une mince affaire que de rassurer les fans de l'enfant terrible. Et puis ajouter à cela Ashley Benson (Pretty little Liars) et vous obtenez l'image même d'un film pour filles, ou plutôt pour groupies. Et finalement James Franco s'ajoute au casting et là aussi, le ton change et les interrogations des fans aussi. Harmony Korine n'a pas quitté son style cinématographique et ça se sent, au grand dam des jeunes filles qui en espéraient autrement. Car avec ce film, Korine se rapproche un peu plus du "grand public" et peut espérer choquer les non-initiés à son cinéma. Il déclare à ce propos dans une interview pour Première que "ça lui plaît" de prendre à contre-pied les fans des actrices du film, plus habitués aux comédies romantiques qu'au "trash drama".

Il joue avec les émotions de ses fans, ce vicieux Korine. Vicieux comme l'Alien qui a envahi ce film, interprété par un James Franco qui se lâche totalement sans jamais caricaturer la figure du rappeur gangsta blanc. Un rôle malsain quand il touche à ces filles, mais étonnamment touchant lorsqu'il se met à interpréter Everytime de Britney Spears. En total décalage avec ce qu'il se passe à l'écran. Et surtout, que l'on retienne les interprétations de ces trois actrices provenant d'horizons différents, seule Rachel Korine (femme d'Harmony) est une habituée. En jouant dans ce film, l'objectif était simple : Casser l'image qu'elles ont construites depuis toutes ces années, à savoir celle de jeunes et jolies bonnes copines, image qui ne touche que les adolescentes. L'objectif semble être atteint tant elles sont perverties par l'esprit de Korine. Si Faith/Selena Gomez est la plus raisonnée du groupe, il n'empêche qu'elle est tout autant responsable de ce qui lui arrive tant elle espère rester dans cette ambiance festive et souhaiterait "faire pause à cet instant". Les trois autres sont encore plus dans la débauche tant elles paraissent être de véritables "nymphomanes". Des rôles plus matures seront certainement proposés à ces actrices qui n'ont pas eu peur de "se mouiller".

Sur la mise en scène, Korine désirait faire de son film l'effet d'une drogue. Ça semble réussi tant Spring Breakers regorge de couleurs flashys, arty, pop qui correspondent parfaitement à cet esprit de débauche. Le rythme oscille entre le contemplatif de certaines scènes et la fureur de quelques séquences, combinées à une BO frénétique. D'ailleurs, l'introduction du film commence directement sur un plan d'une fête sur une plage avec Skrillex en fond sonore. Le ton est dit, on ne se moque pas de nous, Spring Breakers va enchaîner ce postulat pendant 1h30. Le montage ressemble donc à du Korine hypnotique et surtout à de l'indépendant en marge des normes. Ça ne sera pas saisi par tout le monde mais c'est suffisamment travaillé pour être souligné et apprécié.

Mais si la technique est globalement irréprochable, surtout son esthétique visuelle, l'intrigue irrite par moments et nous laisse sur une impression d'incompréhension. Il faut entendre par là que c'est un film, presque en dehors de la réalité (la fin marquée d'incohérences le confirmera) mais c'est surtout la représentation du Spring Break qui me tracasse. En effet, je n'ai pas trouvé dans la mise en scène des éléments qui indiquent que le Spring Break est un évènement qui évoque "le chaos, la désillusion, l'abandon" pour Korine. En fait, c'est un "putain" de moment, certes éphémère, mais jubilatoire et jouissif comme pas possible. Il filme ça de manière photogénique mais en même temps il y a cette intention de filmer une laideur sous-jacente. J'ai un peu du mal avec cette image "combattre le mal par le mal" et finalement pas sûr que tout le monde l'interprète de la même façon. L'euphorie règne au Spring Break alors qu'à l'inverse Korine représente ces jeunes filles comme des enfants perdus, paumées à une étape de décision importante dans leur vie. Elles ne savent pas vers quoi se diriger et sont tentées par le mal, la criminalité qui est une réponse facile face à la difficulté que demande un mode de vie gagné respectueusement de manière loyale et légale. Il y aussi tout ce côté superficiel qui ressort de leur rencontre avec Alien : Des objets inutiles, de l'argent pour définir la vie, des armes aux multiples calibres, etc. Là aussi, c'est prétendre que la vie est un jeu vidéo où l'on récupère toutes ces choses qui finalement n'ont pas d'impact sur nous lorsque l'on passe dans le monde réel.

Beaucoup de sensations pour un Korine qui ne déroge pas à sa règle. Mise en scène hypnotique, bande-sonore qui s'adapte à ce qui se passe à l'écran de manière cohérente et logique et surtout des interprétations fortes. Spring Breakers est un objet d'intrigue, de désir mû par un aspect paradoxale qui dévoile plus qu'un esprit de débauche. C'est avant tout la désillusion d'une jeunesse atteinte, malgré elle, par la crise américaine et qui ne sait pas comment construire son chemin, et les spectateurs se retrouvent face à ça. Une jeunesse paumée dans un vaste champs d'industries culturelles qui pousse à la surconsommation. Au-delà de la foi qui anime le film dès l'introduction, Spring Breakers s'illustre aussi comme une métaphore contemporaine des Sept Pêchés Capitaux. Je vous laisse le soin de déchiffrer le film de cette manière.

Une oeuvre concrètement plus intéressante à interpréter et analyser qu'à regarder.
Softon
7
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 52 semaines, 52 films pour 2013 et Les meilleurs films avec James Franco

Créée

le 6 mars 2013

Modifiée

le 6 mars 2013

Critique lue 509 fois

6 j'aime

Kévin List

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