A travers la sordide affaire de la prison d'Abu Ghraib, Morris souligne un monde militaire en déclin, pourri en son sein par quelques éléments perturbateurs, un corps officier fourbe et manipulateur et une jeunesse sacrifiée en guise de bouc émissaire. Fidèle à son style, Morris laisse la parole aux acteurs même de l'histoire, ceux qui ont pris ou posé sur les photos. Si on n'échappe pas dans un premier temps au cri de rage des protagonistes (« c'est pas moi c'est lui » ou « c'était un ordre, on ne pouvait rien faire »), Morris n'en fait pas moins un plaidoyer en leur faveur : comme dans Thin Blue Line, il ne les juge pas mais veut juste connaître, ou du moins approcher la vérité. Sans imposer son point de vue mais justement en mettant en avant celui des interviewés, il dénonce les dérives d'une guerre absurde que l'Amérique a perdu d'entrée de jeu, et le contrecoup médiatique d'Abu Ghraib n'a eu pour effet que de condamner aux yeux des Américains même le conflit, ce qui en fait l'un des films engagés les plus percutants sur la guerre en Irak. Au-delà de ça, Morris évoque la difficulté de l'image, et par-là même la difficulté du documentaire, d'être claire pour elle-même : il faut pouvoir la recontextualiser et en vérifier la véracité (le recadrage fausse tout) avant de l'offrir au public, sous peine de créer un faux discours (ici, en l'occurrence, le fait que toutes les jeunes recrues ont été condamnées mais personne dans la hiérarchie supérieure n'a été inquiété). Pour preuve : si le film ne propose qu'un point de vue, celui des Américains (ce qui pourrait offrir des critiques virulentes), c'est parce que le cinéaste et son équipe n'ont jamais pu retrouver au bout d'un an les prisonniers irakiens relâchés.
Cinemaniaque
9
Écrit par

Créée

le 25 sept. 2010

Critique lue 351 fois

2 j'aime

Cinemaniaque

Écrit par

Critique lue 351 fois

2

D'autres avis sur Standard operating procedure

Standard operating procedure
Fêtons_le_cinéma
8

La cruauté, le contrôle, l'art

À partir du scandale d’Abou Ghraib révélé en 2003, Errol Morris donne naissance à un douloureux témoignage de mort. Grand film sur la parole, celle de soldats, d’hommes et de femmes ayant commis les...

le 15 sept. 2019

1 j'aime

2

Du même critique

Frankenweenie
Cinemaniaque
8

Critique de Frankenweenie par Cinemaniaque

Je l'avoue volontiers, depuis 2005, je n'ai pas été le dernier à uriner sur le cadavre de plus en plus pourrissant du défunt génie de Tim Burton. Il faut dire qu'avec ses derniers films (surtout...

le 21 oct. 2012

53 j'aime

2

American Idiot
Cinemaniaque
7

Critique de American Idiot par Cinemaniaque

Il est amusant de voir comment, aujourd'hui, cet album est renié par toute une génération (et pas seulement sur SC)... À qui la faute ? À un refus de la génération née début 90 de revendiquer les...

le 13 janv. 2012

50 j'aime

3

Hiroshima mon amour
Cinemaniaque
4

Critique de Hiroshima mon amour par Cinemaniaque

Difficile d'être juste avec ce film : il faudrait pour pouvoir l'apprécier être dans le contexte socio-culturel de sa sortie, ce qui est impossible à reproduire aujourd'hui. Je distingue relativement...

le 4 juin 2011

50 j'aime

1