Captain's log, Stardate 2002.


La situation de la franchise Star Trek est devenue critique ces dernières années. Sa perte de vitesse est patente, et selon le rapport de notre ingénieur irlandais Bertie23, s'explique par plusieurs facteurs :


-la série TV The Next Generation, dont le cast doit composer le 10ème film, s'est achevée voici pas moins de huit ans


-pareillement, cela fait quatre ans que ce même cast n'est pas apparu sur grand écran


-la dite dernière apparition, Star Trek IX : Insurrection, a été accueillie plutôt mollement par le public et les critiques – l'ingénieur Bertie23 souscrit d'ailleurs à cette froideur


-idem pour les deux séries TV Star Trek ayant succédé à TNG : Deep Space 9 comme Voyager ont certes su trouver leur fanbase, mais leurs dernières saisons (1999 et 2001 respectivement) n'ont pas été particulièrement bien reçues


-pire encore, la dernière série TV en date, Star Trek : Enterprise, a démarré l'an passé avec des critiques assassines, et l'audimat s'en resent


-parallèlement à cette entrée en matière pour le moins délicate, d'autres séries TV de science-fiction sont apparues durant cette période pour venir contester le quasi-monopole que ST avait jusqu'alors en la matière depuis les années 1980 : Babylon-5, Stargate, X-Files, le reboot de Battlestar Galactica…


-du côté cinématographique, Star Wars a fait son retour depuis la sortie d'Insurrection. Un cerveau doué d'une logique digne d'un Vulcain me répliquerait volontiers que les deux univers n'ont rien à voir, l'un relevant de la science-fiction et l'autre de la "space fantasy", il n'empêche qu'il ne fait aucun doute que l'absence de la saga de George Lucas durant quasiment toute la durée des années 80 et 90 a grandement profité à la création de Gene Roddenberry.


C'est donc dans ce contexte que Star Trek X : Nemesis s'est vu attribuer la tâche difficile de relancer la machine ST. Un nouveau capitaine a même été désigné pour insuffler un second souffle à ce dixième film : Stuart Baird. La nomination de Baird a toutefois été énormément critiquée, à l'époque et depuis : non seulement Baird n'avait jamais regardé le moindre épisode de TNG, mais il avait même déclaré détester Star Trek. Pour cette raison, il a refusé à plusieurs reprises de réaliser ce film avant de finalement accepter. On est en droit d'avoir des réserves sur l'obstination du studio à faire signer Baird… il semblerait que Jonathan Frakes, interprète de Ryker et réalisateur des deux fils précédents, ait candidaté pour un "jamais deux sans trois". Peut-être aurait-il rattrapé l'échec d'Insurrection, mais seul un univers parallèle peut répondre à cette question. On ne peut que supposer que c'est précisément ce précédent échec qui a couté sa place à Frakes et poussé le studio à faire appel à un non-trekkie, calcul qui s'était révélé payant en 1982 avec Nicholas Meyer…


Ce qui est certain, dans l'immédiat, c'est que la performance du capitaine Baird, et ce malgré la présence à ses côtés du vétéran Brent "Data" Spiner en tant que coscénariste, laisse dans l'ensemble beaucoup à désirer. Ignorant tout des subtilités et traditions qui faisaient le succès de la franchise, Baird a opté pour une approche beaucoup plus musclée, à grands coups de séquences d'actions se succédant les unes aux autres à un rythme auquel la vénérable saga de Roddenberry n'était pas habituée. Cela aurait pu passer si la dite multitude n'était pas aussi répétitive et peu inspirée : on a ainsi droit à un grand nombre de fusillades dans des couloirs obscurs, si figées et basiques qu'on les croirait sorties d'un jeu vidéo. Les Rémiens tirent comme des pieds, Picard et compagnie en touchent un à chaque tir, et il est d'ailleurs amusant de constater que tous les Rémiens s'effondrent de la même manière. Pour rompre la monotonie, la seconde équipe nous gratifie d'une étrange course-poursuite en buggy tout-terrain, dans une lumière au filtre effroyable qui vous donne mal à la tête.


Le tableau n'est cependant pas tout noir : lorsqu'il ne se montre pas trop agité de la gâchette de phaseur, Baird parvient à nous brosser des interactions intéressantes entre ses personnages. Le concept de base du film est d'ailleurs alléchant, bien qu'un peu tiré par les cheveux (je suis bien conscient, Starfleet, de tout ce que ce jeu de mot a de vaseux étant donné la calvitie des intéressés) : Jean-Luc Picard se retrouve confronté à son double plus jeune que lui, autrefois cloné dans des circonstances obscures par l'ennemi Romulien, mais qui s'est à présent retourné contre ces derniers. Ce génie militaire précoce, appelé Shinzon, est joué par Tom Hardy, incroyablement fluet et juvénile, dans l'un de ses tous premiers rôles. Hardy fait déjà montre du talent qui en a depuis fait l'une des plus grandes stars d'Hollywood. Toutes ses scènes avec Patrick Stewart sont excellentes.


Hélas, il m'est difficile d'en dire autant du reste du casting, au demeurant quelque peu vieillissant. Puisqu'il est à l’écriture, Brent Spiner ne se prive pas pour tirer la couverture sur son personnage, allant même jusqu'à créer un autre double, de Data cette fois. Cette sous-intrigue inutilement compliquée ne mène à rien et contribue même à amoindrir la portée du sacrifice d'un des personnages les plus populaires de la série.


Une nouvelle fois, Beverley Crusher ne sert pas à grand-chose, et LaForge et Worf viennent la rejoindre dans le département des inutiles. Ryker laisse l'impression d'un catcheur devenu trop vieux et trop gros. Deanna Troi est quant à elle victime d'un viol mental qui, s'il finit par contribuer à la chute de Shinzon, n'en laisse pas moins un gout amer dans la bouche du trekkie peu habitué à ce genre de violence dans son univers préféré. Le film s'ouvre d'ailleurs sur l'assassinat des dirigeants romuliens, elle aussi un peu trop graphique à mon gout. Les Romuliens sont d'ailleurs fort mal exploités dans ce film, tombant dans la même catégorie que les Klingons de TFF et Generations, de même que le mentor de Shinzon, pourtant joué par le génial Ron Perlman. Sous-utiliser Ron Perlman, voilà un crime encore pire que d'enfreindre la Prime Directive…


En se focalisant sur le duel Picard-Shinzon et en sacrifiant Data pour le bien de tous, il ne saurait vous échapper, Starfleet, que ce dixième film lorgne dangereusement du côté de Star Trek II : The Wrath of Khan. La dernière demi-heure de Nemesis, dans son ensemble, renforce cette impression puisque l'Enterprize et le vaisseau de Shinzon passent leur temps à jouer au chat et à la souris. Ce manque d'originalité est certes horripilant, mais force m'est de reconnaitre que l'exécution est plutôt réussie, avec un notamment un moment d'anthologie lorsque l'Enterprize éperonne le Scimitar.


Il est temps pour moi de clore ce captain's log, Starfleet. Mon verdict sur Star Trek X : Nemesis ? Eh bien, comme vous avez pu vous en rendre compte… mitigé, très mitigé. La surabondance de séquences d'actions peu inspirées se fait au détriment de la lisibilité du scénario, ce qui est d'autant plus dommageable que ce dernier plagie TWOK dans ses grandes lignes. Heureusement, les scènes avec Picard et Shinzon illuminent le film, qui gagne d'ailleurs en qualité dans sa dernière demi-heure.
Sera-ce suffisant pour gagner le momentum nécessaire pour sauver la franchise ? Souhaitons-le… oh, attendez. Les senseurs détectent un objet énorme en approche. Nous avons un visuel… LE…SEIGNEUR…DES ANNEAUX…LES…DEUX TOURS…


Oh, non…


[explosions et fin de la transmission]

Szalinowski
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le 11 déc. 2018

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