Après le succès de la série animée Star Wars : Clone Wars de Genndy Tartakovsky et diffusée sur Cartoon Network, George Lucas, toujours soucieux d’explorer de nouveaux moyens narratifs pour enrichir l’univers de Star Wars, annonce dans la foulée la mise en chantier d’un projet plus ambitieux : une nouvelle série animée centrée sur le même sujet, la guerre des clones, mais cette fois entièrement réalisée en images de synthèse (3D). Cette décision marque une volonté claire de George Lucas de moderniser l’esthétique visuelle de l’univers galactique et de tirer parti des avancées technologiques dans le domaine de l’animation.
Henry Gilroy est appelé pour écrire cette nouvelle série, scénariste expérimenté notamment connu pour son travail sur les films Bionicle : Mask of Light et Bionicle 2 : Legends of Metru Nui, des œuvres qui mêlaient déjà animation en 3D et mythologie épique. Gilroy est épaulé dans cette tâche par Steven Melching et Scott Murphy, deux autres auteurs familiers de la science-fiction et de la narration sérielle.
Dave Filoni est choisi comme réalisateur principal et showrunner de la série. À cette époque, Filoni s’est déjà illustré par son travail sur Avatar : The Last Airbender, série saluée pour sa richesse narrative, sa direction artistique soignée et sa capacité à traiter des thèmes complexes dans un cadre animé. Passionné de Star Wars, Filoni s’implique pleinement dans le développement de l’univers visuel et émotionnel de la série, tout en collaborant étroitement avec George Lucas pour préserver la cohérence avec la saga cinématographique.
Durant la production, George Lucas, d’abord relativement distant, se prend de plus en plus au jeu. Impressionné par la qualité de l’animation, l’ambition du récit et l’ampleur de la série, il décide finalement de donner à ce projet une plus grande visibilité. Il prend alors une décision inhabituelle : sortir un film au cinéma, en guise de lancement officiel de la série. Ce long-métrage est conçu en assemblant les quatre premiers épisodes de la série, déjà liés par un arc narratif commun, pour former un récit cohérent et continu. Le film sert donc de pilote de luxe, avec l’objectif d’introduire les personnages, l’esthétique et les enjeux de la série à un large public.
En 2008, Star Wars : The Clone Wars sort au cinéma. Le film, produit dans des délais serrés et avec un budget relativement modeste pour une production animée, à peine 8.000.000$, souffre de ces contraintes.
À sa sortie, le film fait face à une comparaison technique impitoyable avec les standards de l’animation cinématographique de l’époque. Tandis que des studios comme PIXAR, DreamWorks ou Disney établissent déjà une norme visuelle quasi intouchable, l’esthétique de ce film apparaît rudimentaire et datée. Certes, les décors sont solides et les effets numériques parviennent parfois à instaurer une atmosphère de guerre galactique convaincante, mais l’animation des personnages trahit immédiatement la nature télévisuelle du projet. Les visages figés, les mouvements rigides et le manque d’expressivité émotionnelle rendent l’expérience frustrante sur grand écran. C’est là le cœur du problème : ce film n’avait tout simplement pas sa place au cinéma. Pensé, conçu, réalisé pour le petit écran, il aurait brillamment fonctionné comme un double épisode pilote diffusé sur Cartoon Network ou dans un format télévisé événementiel. À la télévision, ces limites techniques auraient été relativisées, contextualisées. Mais sur grand écran, au milieu de productions bien plus ambitieuses, le film ne peut qu’apparaître comme un brouillon maladroit d’un univers pourtant immensément riche.
La bande originale, elle aussi, contribue à cette impression d’inadéquation. Depuis ses débuts, la saga Star Wars est indissociable de la musique magistrale de John Williams, dont les compositions ont accompagné chaque grand moment de la franchise avec une puissance émotionnelle inégalée. Pour ce long-métrage, c’est Kevin Kiner qui hérite de la lourde tâche de succéder au maître. Si ses compositions ne manquent pas de sincérité ni de bonnes intentions, elles s’avèrent fondamentalement inadaptées à une sortie cinématographique. Loin d’égaler l’ampleur symphonique attendue, la musique oscille entre des sonorités électroniques et des motifs plus conventionnels, mais sans jamais parvenir à instaurer une identité sonore forte ou mémorable. Ce que Kiner propose aurait été parfaitement convenable dans le cadre d’une série télévisée.
Le scénario, enfin, souffre lui aussi d’un format inapproprié. Conçu à l’origine comme une série de quatre épisodes distincts mais liés par un fil rouge, le récit peine à convaincre une fois compressé et projeté comme un long-métrage unique. La construction est clairement fragmentée : la première partie sur Christophsis fonctionne comme une introduction isolée, tandis que les trois épisodes suivants, centrés sur l’enlèvement du fils de Jabba le Hutt, peinent à trouver une véritable unité narrative. L’enchaînement des séquences, trop mécanique, trahit son origine épisodique. Ce découpage aurait pu être efficace pour une série, où chaque épisode peut explorer un angle particulier du conflit. Mais sur grand écran, cette structure donne une impression de collage artificiel.
Le film s’articule autour de quatre grandes batailles : Christophsis, Teth, le duel contre Asajj Ventress et le final sur Tatooine, qui, bien que correctement réalisées, saturent le récit d’action au détriment du développement des personnages. Anakin, Ahsoka ou même Obi-Wan peinent à exister autrement que comme des figures de transition d’un affrontement à un autre. Ce déséquilibre narratif, acceptable dans un format télévisé plus souple, devient pénalisant dans un long-métrage, où le spectateur attend davantage de rythme, d’émotion et de progression dramatique.
Star Wars : The Clone Wars, en tant que film, est une anomalie dans la chronologie de la saga. Assemblé à partir d’épisodes conçus pour un autre média, et distribué en salle sans disposer des moyens techniques, narratifs ou artistiques requis pour rivaliser avec les blockbusters de son temps, il apparaît comme une erreur de stratégie plus que comme une œuvre pensée pour le cinéma. Il aurait pu être un excellent pilote télévisé, une introduction immersive à une série ambitieuse et prometteuse. En salle, il déçoit, car il est évalué selon des critères qu’il n’est pas en mesure de satisfaire.