Steamboy
6.9
Steamboy

Long-métrage d'animation de Katsuhiro Ôtomo (2004)

Steamboy est surement l'un des animés les plus satisfaisants que j'ai pu voir ces dernières années (le dernier remontait à Redline ou Nausicaa). Il est à la fois une synthèse de style et d'univers, doublé d'une intrigue politique bien ficelée malgré la simplification des enjeux de la dernière partie. Si Akira partait en vrille dans son final, Steamboy garde davantage une cohérence et s'attache à utiliser au maximum les atouts qu'il a en main. Si certains détails confinent à l'absurde (les manèges finalement pas très exploités), l'établissement des règles de l'univers et sa progression dans les enjeux sont incroyablement satisfaisantes. Il est rare de voir un film continuellement s'élargir et gagner en ampleur sans se casser la gueule à la fin, et autant dire que Steamboy ne se débine jamais, culminant dans une quasi apocalypse à l'issue incertaine.


En termes esthétiques, Steamboy est une synthèse qui pourrait être perçue comme trop parfaite. Se déroulant à la fin du XIXème au cours de l'exposition universelle de Londres, le film cumule les esthétiques des rouages à la fois sombres ou éclairés (brillants de mille feux), les technologies rétro-futuristes, associant à l'esthétique victorienne un look industriel basé sur la vapeur, à quelques règles physiques près (ici, le postulat est fait que la vapeur peut être stockée sous pression sans apport de chaleur). En résulte un univers d'une très grande richesse conceptuelle, qui cumule tous les archétypes visuels de cet univers. L'héritière des Ohara en est d'ailleurs une sacrée représentante, incarnation de l'esthétique dentelle qui revient régulièrement dans l'univers. Constamment en évolution, le film débute dans une grotte, traverse la campagne, explore une ville et prospère dans une gigantesque structure de rouages et de conduits. S'aventurant constamment dans les recoins, soignant le détail des décors, le régal visuel est constant, malgré les teintes sombres qui pourraient donner un peu plus d'éclat à cet univers. Toutefois, le ton sépia de l'image est à la fois un code visuel du steampunk, et il entre aussi en cohérence avec le ton du récit, très emprunt de pessimisme.


Encore une fois, l'heure est à la désillusion de la science. Si les religions sont quasiment bannies de ce film, qui démarre sous l'angle de l'émerveillement technologique et d'une puissance colossale pouvant être dangereuse, le film élargit continuellement son contexte vers la politique et l'usage des technologies. Ainsi, au fur et à mesure que le film se développe, on assiste de plus en plus à un détournement des technologies de leurs objectifs premiers, et d'une déviation constamment organisée vers le profit des investisseurs. Si le film part sous l'angle d'une compagnie privée aux moyens colossaux (obtenus par la vente d'armes durant la guerre de sécession), il étend bien vite sa logique aux gouvernements qui sont clients de ces compagnies. Rien de nouveau, mais le pessimisme du ton est bien là. Car les scientifiques nécessitant des moyens colossaux pour accomplir leurs rêves se voient obligés d'avoir recours à ce système qui fait dès lors plier leurs efforts vers sa logique d'affrontement. Dès lors, quand notre protagoniste, ayant dérobé une technologie clé, se voit en recherche d'un camp... Il tombe immédiatement dans le piège et confie une arme à un gouvernement (la monarchie parlementaire anglaise dans ce cas) qui applique immédiatement la même logique que la compagnie privée (la firme Ohara) et utilise son atout pour servir ses intérêts propres. Le film s'achève avec l'un des inventeurs survivants qui fuit la catastrophe, se dirigeant vers non pas un soleil radieux mais un paysage envahi par la fumée d'un incendie. D'ailleurs, notre protagoniste n'a qu'un impact très limité sur la marche des choses, se réduisant à actionner plusieurs machines pour tenter de limiter les dégâts et sauver la seule personne qui peut encore l'être (dont la moralité reste toutefois quand même à salement surveiller vu son inconsistance).


L'alliance esthétique et politique parvient donc à trouver une densité qui fait clairement plaisir dans le monde du divertissement, surement trop sophistiqué pour les enfants, mais qui a le mérite d'enflammer l'imagination. On tient ici le meilleur concurrent d'Atlantide l'empire perdu, à la fois dans les thématiques et l'univers rétro-futuriste d'une richesse à couper le souffle. Un film pleinement conscient de son discours qui parvient à tenir la barre sans jamais désamorcer ses enjeux.

Voracinéphile
9
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le 18 sept. 2016

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