Steamboy
6.9
Steamboy

Long-métrage d'animation de Katsuhiro Ôtomo (2004)

Le héros de l'histoire est un jeune garçon fin mécanicien de l'Angleterre du XIXe siècle. Il se retrouvera embarqué dans une lutte pour la possession d'une technologie qui pourrait améliorer la vie de tous, ou aboutir à une nouvelle arme terrible.


C'est un film qui commence comme une production Ghibli : un garçon débrouillard poursuivi par des méchants avec de vraies têtes de méchants, des dessins magnifiques, des péripéties délirantes... on se sent en confiance malgré une première impression de classicisme, guère dommageable. Cette Angleterre steampunk a beaucoup de charme malgré des couleurs peut-être un peu ternes. La VF est bien également, et heureusement parce qu'autant les anime japonais ont habituellement plus de gueule en VO, autant là il ne faut pas compter sur moi pour écouter des anglais parler japonais.


Le film a un grand mérite, c'est de réellement exploiter son contexte steampunk là où bien d'autres se contentent d'en faire un environnement rigolo. Nous avons des machines invraisemblables mais crédibles et bourrées de charme, c'est bien. Nous avons surtout droit à une réflexion sur les dangers de la technologie par rapport à notre façon de l'utiliser et de la faire progresser sans précautions, c'est encore mieux. Le film se déroule en pleine période de révolution industrielle, ici exacerbée par une uchronie aux machines exubérantes. C'est pile le bon moment pour parler des progrès de la science incontrôlés et utilisés à de tristes fins militaires. Le film a le bon goût de montrer plusieurs points de vue pour éviter le manichéisme et la dénonciation simple et bête du modernisme (non, la science ne fait pas qu'apporter des problèmes aux Hommes). Ce que je regrette en revanche, c'est qu'il tient tellement à rester neutre qu'il finit par ne pas dire grand-chose en fin de compte. Comment puis-je me forger un avis sur ce sujet grâce au film alors qu'il ne me montre pas clairement quelles sont les améliorations que peut apporter cette machine tant convoitée ? Il y a un biais regrettable, le débat du film me semble tourner un peu court faute d'arguments qui se renouvellent, mais il a le mérite d'être présent.


Parlons maintenant de ce que je considère comme un gros problème du film, mais qui fait étonnement sens avec ce qu'il nous montre. Le film dure 2h, mais le climax démarre au bout de... 1h. Donc 1h de climax à base d'action. Balèze hein ? 1h d'action c'est long quand même. Mad Max Fury Road s'en était sorti en répartissant l'action sur plusieurs scènes, là on n'a pas d'ellipse pour nous reposer. Alors vous me direz qu'il n'y a pas que de l'action non stop, le scénario continue de progresser. C'est quand même très bien réalisé avec des effets visuels absolument incroyables qui contribuent grandement à présenter l'aspect ridiculement colossal de la "machine" du film. Ce n'est pas tape-à-l'oeil, cela sert la grandiloquence de cette technologie gonflée jusqu'à l'absurde, remplie à ras-bord de tuyauterie qui peine à contenir son gaz, de lentilles pour voir le monde depuis tous les points de vue imaginables, de décorations clinquantes et de mécanismes inarrêtables. Mais c'est fatigant quand même. Et là, les défauts de cette 2e moitié trouvent leur résonance dans cette machine. Je vais mettre la suite en spoiler par précaution, mais en gros cette partie est longue et lourde à force d'accumuler les moments d'action, elle finit par rapidement lasser et dessert beaucoup le film car elle en représente quand même la moitié. Pas mal car l'action est bonne, mais un peu boiteux.


La tour du film, c'est un colosse inabouti. Un monstre que l'on veut faire marcher en dépit de toute raison, par pure logique de faire une démonstration technologique aussi impressionnante que vaine. Un assemblage ayant demandé un travail titanesque, mais qui est devenu tellement massif qu'il fait plus de mal que de bien à vouloir s'étaler. Elle est magnifique, mais elle dure bien trop longtemps et ne semble pas vouloir s'arrêter tant son créateur s'entête à la faire avancer toujours un peu plus loin alors qu'elle a des fuites de gaz partout. Une machine folle, fabuleuse mais déraisonnable.
Eh ben cette moitié du film elle est exactement pareil. 1h de climax c'est bien trop long. C'est beau, c'est une performance, mais pendant 1h on attend que cela se termine parce que ça va trop loin. Lorsqu'enfin c'est le cas, que la machine est à terre, c'est un feu d'artifice. Un moment de grâce éphémère mais inoubliable. C'était longuet à suivre, prenant mais balourd. Mais exactement à l'image de la machine présentée. Le réalisateur a-t-il volontairement torpillé cette 2e partie pour assurer cette comparaison entre son film et la tour ? Je ne sais pas, parce quand même ça ne m'a pas fait que du bien tout ça. Mais cette radicalité pour présenter son sujet est remarquable. En bien je ne sais pas, mais remarquable.


Steamboy est un film intéressant par ses partis pris. Il est terriblement maladroit à bien des aspects, mais il offre une réflexion rare et ne recule devant rien pour la présenter. Pas toujours convaincant, parfois pénible, mais souvent impressionnant et d'une ambition qui mérite votre attention.


PS : ma note compte pour 6.5, le demi-point étant justifié par le texte en spoiler. Parce qu'il se montre quand même bien fatigant, surtout pour un film dont l'histoire se termine réellement au bout d'une heure.

thetchaff
7
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le 23 avr. 2015

Critique lue 749 fois

4 j'aime

thetchaff

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