L'île aux deux solitudes : entre arrogance bourgeoise et silence néoréaliste !

J'ai récemment vu Stromboli de Roberto Rossellini et, sincèrement, j'en ressors avec un sentiment à la fois admiratif et frustrant. Ce n'est pas un film qu'on "apprécie" simplement ; il nous malmène, nous met mal à l'aise, et c'est précisément là que réside sa force.

  • ​Le scénario est simple : Karin, une réfugiée lituanienne (Ingrid Bergman, magnifique), épouse un pêcheur de Stromboli pour fuir son camp d'internement. Elle troque une prison pour une autre, celle d'une île volcanique austère et d'une communauté archaïque qui la rejette.

La note de 7/10 ?

  • ​Je lui donne un 7/10 parce que, pour moi, c'est une œuvre essentielle par sa forme et son propos, mais parfois pénible à vivre sur la durée.
  • ​D'un point de vue cinématographique, c'est grandiose. Rossellini ne filme pas une actrice, il filme un paysage mental, et l'île du Stromboli est un personnage à part entière, violent et indifférent. La mise en scène, très néoréaliste, avec l'utilisation des habitants de l'île et les plans-séquences longs, confère au film une authenticité brute que j'ai trouvée fascinante.
  • ​Mais, bon sang, que le visionnage est lent par moments ! Je me suis souvent senti dans la peau de Karin, prisonnier de ces silences écrasants et de l'hostilité ambiante. L'errance de Bergman dans le village, sa solitude face à des traditions qu'elle ne comprend pas, c'est puissant mais ça tire en longueur. J'ai eu l'impression que le film cherchait à nous épuiser autant que Karin est épuisée par l'île.

Conclusion

  • ​J'ai trouvé la performance d'Ingrid Bergman bluffante. Elle est superbe et horripilante à la fois. Elle incarne cette femme bourgeoise, mondaine, qui ne parvient pas à se défaire de son arrogance face à la rudesse des pêcheurs. C'est une "connasse prétentieuse" comme j'ai pu lire ailleurs, et c'est ce qui rend son chemin de croix si poignant. On a envie de la gifler pour son entêtement, mais on compatit à sa profonde détresse et à son aliénation.
  • ​La séquence finale, l'ascension du volcan, est un moment de cinéma purement cathartique. C'est là que le drame existentiel explose, à la fois au sens figuré (le désespoir de Karin) et au sens propre (l'éruption). C'est pour cette fin-là et pour l'utilisation incroyable du décor naturel que le film mérite d'être vu.
  • ​Stromboli n'est pas un divertissement. C'est une expérience austère, une plongée dans l'impossibilité de l'intégration et la quête spirituelle forcée. Un film qui m'a marqué par sa puissance visuelle et le courage de son récit, mais qui, par son rythme implacable, n'a pas réussi à me captiver totalement de bout en bout.
DirtyVal
7
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