Je fais partie de ceux qui placent "Vertigo" au sommet de la filmographie d'Alfred Hitchcock. Certains lui préfèrent ses autres suspenses 5 étoiles, plus efficaces et plus directs, et apprécient moins l'apparente lenteur de "Vertigo".
Il faut dire que James Stewart va effectivement passer beaucoup de temps à doucement filer Kim Novak. Interprétant un ancien policier, chargé par une vieille connaissance de surveiller sa femme, qui serait victime d'une emprise surnaturelle.
Pourtant c'est justement ce qui j'aime dans ce film. Son scénario et son allure vénéneuse et lente, qui contamine peu à peu le protagoniste. Jusqu'à un dernier acte malsain, où là encore, je comprends que certains n'adhèrent pas ! On est tout autant dans le polar que le drame mûr, traitant de sujets sérieux.
L'impotence sexuelle de notre héros par exemple. Qui ne sera jamais explicitée, mais trèèèès fortement sous-entendue par des dialogues discrets et diverses métaphores visuelles parlantes : canes, sequoias, et barres en tous genre... le premier (gros) plan du film est d'ailleurs une main qui agrippe une barre horizontale ! Son impuissance à agir à cause de ses vertiges pouvant là-aussi être vue comme une allégorie sexuelle.
Mais surtout, sur la forme ce film est un bijou. Alfred Hitchcok s'est lâché, conjuguant ici le drame et le polar avec une touche fantastique qu'il maîtrise très bien, allant même jusqu'à livrer quelques séquences horrifiques qui font froid dans le dos.
Il livre des scènes emblématiques : la forêt de sequoias, le baiser devant l'écume, le chassé-croisé au musée... Et innove avec le célèbre "effet vertigo" (zoom/dézoom en faisant un traveling arrière/avant), représentant les vertiges du héros. Au-delà de ceci, chaque détail, chaque couleur, chaque plan semble être pensés pour construire ce récit dérangeant. Une "simple" scène de rencontre s'avérant une véritable orfèvrerie cinématographique.
La musique de Bernard Herrmann n'est pas en reste. Dont le fameux thème principal, mais aussi des passages plus langoureux. Au même titre que l'ensemble du film, cette musique sera régulièrement une influence sur d'autre cinéaste (encore aujourd'hui), quand elle ne sera pas carrément reprise telle quelle.
James Stewart est excellent dans le rôle principal, y injectant de la détresse et de la vulnérabilité. Kim Novak, dont les relations avec Hitchcock n'étaient visiblement pas au beau fixe, convient également très bien à ce rôle de femme insaisissable, sous le joug d'une mystérieuse emprise.
Un véritable chef d'oeuvre du master of suspense !