Avec Sunset, László Nemes prolonge son regard sur le XXème siècle, passant des camps d'extermination dans Le Fils de Saul à la ville de Budapest en 1913, dont le modernisme dissimule une décadence effroyable symbolisée par cette mystérieuse chapellerie au centre du film. Ce, en reprenant le même dispositif formel qui fait toute la singularité de son cinéma : la caméra ne s'éloigne jamais du visage de l'actrice principale, la scrutant inlassablement en l'isolant du décor. Par la confusion et la fascination que cette mise en scène exprime, le cinéaste recherche un état de la conscience, individuel et historique, irréductible à toute rationalisation. En l'occurrence, il s'agit d'une pulsion destructrice catalysée aussi bien par le personnage d'Írisz Leiter, obsédé par la disparition de son frère, que par la société hongroise. La bestialité généralisée de cette dernière est notamment révélée par deux scènes marquantes de violence masculine. Progressivement, le malaise intime et civilisationnel fusionnent par le biais d'Írisz, qui incarne la vérité d'une aliénation dont l'humanité ne se remettra jamais. Le génie de László Nemes se résume donc par cette troublante capacité à percevoir la folie d'une époque tout en touchant subrepticement un sentiment d'absurde pour le moins intime.


J'aurais pu m'étendre bien plus sur ce film mais je devais l'écrire à un nombre limité de caractères, l'ayant écrit en tant que jury dans le cadre du Prix étudiant France Culture Cinéma 2019.

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le 3 mai 2019

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Marius Jouanny

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