Dans l'espace, personne ne vous entend cramer...

Le Soleil. Terrifiant de beauté et de puissance. Magnétique, hypnotique. S'approcher de notre astre-mère, c'est aspirer à redevenir "poussière d'étoile", comme disent les astronautes. Un irrésistible suicide, par régression vers notre état premier. L'attraction gravitationnelle n'est pas juste un phénomène cosmique : elle devient psychologique. Mais comme dans Indiana Jones, premier du nom, il faut savoir détourner le regard devant des forces de taille divine. L'esprit humain, et le corps qui l'entoure, ne sont jamais prêts pour une telle proximité.

Jamais un film à tendance SF n'a ramené l'homme à une telle insignifiance existentielle. Humain, donc terriblement fragile à mesure que l'astre grandit dans la baie du vaisseau spatial. Le soleil est la seule tout-puissance, sa lumière est terrible, pourtant il se meurt. Il faut le sauver en le dopant avec la plus grande bombe réalisée par l'Humanité qui crève de froid.
Laissons de côté les incohérences scientifiques, pour nous concentrer sur la poésie de l'instant. C'est ce que privilégie Boyle dans sa première oeuvre SF. Les astronautes qui se muent en kamikazes-missionnaires. Qui veulent sauver le genre humain, la Vie toute entière, en dépassant leurs propres aspirations à survivre : Le soleil est là pour dissoudre leurs égos.

Science-fiction oui, mais surtout thriller spatial.
Quand la mission risque de dérailler, la caméra de Boyle s'agite. La tension s'installe, l'urgence est permanente. Comment garder l'esprit clair quand le sang coule, quand le vaisseau fait des valses, quand le sens ultime de cette folie scientifique part en vrille ?
Astronautes-missionnaires, et funambules avec ça. Boyle n'y échappe pas. Son formalisme filmique devient parkinsonien. Le soleil agit comme une drogue, et la réalité fond comme de la glace. Réminiscences clipesques de Trainspotting. Au plus près de l'astre, le temps et l'espace se tordent, dans un maëlstrom indescriptible où l'on n'est plus sûr de rien. Réalité ou paranoïa, on est en droit de se poser la question sur certains aspects du récit.

On peut aussi arrêter de penser.
Se laisser bercer par la stupéfiante beauté presque métaphysique de notre astre-mère, comme nos huit braves humains, sans nationalité.
Et nous ne l'observons avec humilité qu'au travers un écran dans un salon. Imaginez en vrai alors, alors... car ce qui est sûr, c'est que dans l'espace, personne ne vous entend cramer...