Film ou speed run de réf, il faut choisir ! | Pamphlet contre le cinéma de divertissement actuel

Un premier sentiment à chaud très décevant

On ne va pas y aller par quatre chemins, c'est une purge ! Ennuyant, pas drôle, un scénario qui tient dans l'épaisseur d'un timbre poste, une mise en scène insupportable qui croit faire dynamique mais qui se "contente" de faire brouillon et illisible, une vulgaire succession sans âme de réfs dans des saynètes insipides... Zéro émotion, zéro histoire, zéro mise en scène, zéro plaisir, zéro nostalgie (tellement c'est le bordel au niveau des réfs et de la caméra de merde, pas le temps d'en savourer une, on te bourre la gueule avec une autre toute aussi bazardée ; tu voulais une ode à Mario pour magnifier cette œuvre vidéo-ludique cultissime et on te défonce la gueule avec une encyclopédie de réfs en 50 volumes expédiée de la façon la plus indigeste qui soit)... C'est juste une mauvaise bande annonce de 1h30 pour les jeux ! Mieux vaut clairement rester chez soi et prendre une console Nintendo pour se refaire n'importe quel jeu Mario, ça a 1000 fois plus d'intérêt !


La rhétorique des biberonnés au MCU

Le drame, c'est que beaucoup de gens trouvent formidable cette vacuité dite "cinématographique" que constitue Super Mario Bros, Le Film. À n'en pas douter, le niveau d'exigence critique de beaucoup s'est considérablement ramolli (doux euphémisme) avec la "Disney-isation" du cinéma de divertissement depuis plus de 15 ans. Entre le vide intersidéral que représente le MCU en termes de qualités narratives, de prises de risque, de créativité, d'originalité et la décente aux enfers de Lucas Film et sa capacité à transformer des séries de films cultissimes en étrons puants, les gens s'enchantent vraiment pour un rien ou ne parviennent plus à distinguer le bon grain de l'ivraie.


Quand certains s'extasient comme des demeurés shootés aux paillettes et aux amphètes car ils ne semblent avoir jamais rien connu que la médiocrité comme haut du panier qualitatif (médiocrité là encore entretenue par Disney qui, privilégiant la rentabilité sur la qualité, a établit en règle cardinale de l'industrie le fait de donner au public ce qu'il veut et pas ce qu'il lui faut/ce qu'il mérite, quand bien même cela se fasse au détriment cinglant de la qualité, de la créativité et de la pertinence des "œuvres"), d'autres tentent de se donner pseudo bonne conscience grâce à un argument homme de paille éculé consistant à dire "oui, c'est pas terrible, mais on s'amuse quand même, fallait pas s'attendre à du Pixar ou du Miyazaki"... Sidérant !


Mais c'est quoi le (bon) cinéma de divertissement ?

Qui a parlé de Pixar (tout en sachant que ce n'est plus non-plus la référence d'antant...) ou Miyazaki ? Personne ! Comme on dit: "je n'attendais rien de particulier et je suis quand même déçu". C'est pas parce qu'on raconte une histoire simple qu'on doit la traiter de manière simpliste. Dans un genre (beaucoup) moins familial certes, John Wick, c'est ultra simple, mais traité de manière ultra efficace et ultra travaillée parce que les mecs ne se sont pas reposés sur leurs lauriers à servir la même soupe insipide et indigeste (pour le pas dire indigente...) que tout le monde à Hollywood depuis 15 ans ; comme le dit Chad STAHELSKI lui-même, ils n'ont jamais voulu révolutionner le genre, ils ont juste voulu faire les choses le mieux possible à chaque étape, proposer quelque chose de propre et de construit, de divertissant, tout en essayant d'apporter une touche singulière d'originalité et de créativité.


Un film, une œuvre cinématographique, c'est pas juste des images bâclées dans tous les sens et du son torché par dessus. Le cinéma, c'est l'Art de raconter quelque chose, si possible d'intéressant, et encore mieux, de pertinent, avec des images et du son, nuance... On se doutait bien que Mario n'aurait pas grand chose à raconter, mais le peu qu'il y avait à raconter, ça pouvait être fait 100 fois mieux ! Le film n'est pas conçu pour raconter une petite histoire sympathique dans laquelle on intègre quelques références bien choisies, évocatrices, de manière pertinente, efficace et jubilatoire, le tout avec des scènes bien construites et créatives pour "compenser" la simplicité de l'histoire. Non. Le film est conçu à l'envers : ils ont dressé un cahier des charges ultra cloisonné avec une liste exhaustive d'un million de références à inclure à coup de masse et puis c'est tout ; le but n'est pas de sublimer l'univers de Mario, le but est de passer son temps à faire des gros clins-d'œil bien lourds et appuyés toutes les 10 secondes, comme autant de soi-disant shoots de paillettes artificielles pour les rétines décrépies de spectateurs-consommateurs décérébrés. Ce n'a plus rien de la magie subtile qu'est sensée véhiculer le cinéma...


Le syndrome Dragon Ball Evolution et la mort de la richesse artistique

L'industrie est à la fois victime (très consentante) et complice (toute aussi consentante) du syndrome Dragon Ball Evolution. Un projet d'adaptation de licence à des fins exclusivement lucratives et que personne n'attendait (tout fan de Dragon Ball en rêvait dans son jardin intime de l'enfance gardée, mais avec la raison de considérer cette œuvre quasi inadaptable en live) se transforme en pire carnage industriel et critique de l'histoire du cinéma de divertissement. Sans même compter le nombre de projets d'adaptation qui ont été des victimes collatérales (à tord ou à raison) de cette catastrophe, le parti-pris instigué par Disney pour rendre possible sa lucrative acquisition, Marvel, a été de prendre les contre-pied inverse de Dragon Ball Evolution : ok, faire n'importe quoi avec les canons d'un univers, c'est pas possible, alors on va donner aux gens tout, TOUT, TOUT ce qu'ils veulent. On en arrive à ce paradoxe contre-productif et assassin artistiquement parlant : donner aux fans ce qu'ils veulent et rien que ce qu'ils veulent (aussi bien question univers traité que le fait de surfer sur les tendances politiques/sociales du moment) afin de ne pas se prendre commercialement parlant une volée de bois vert, est-ce bien la meilleure chose à faire artistiquement ?... Toei Animation (avec la caution hypocrite et bien rémunérée d'un auteur, Toriyama, qui n'a plus aucun respect pour son travail passé), comme pour boucler la boucle de ce syndrome DBE, y a répondu en quasi bon élève de Disney avec Dragon Ball Super et Super Dragon Ball Heroes: les fans veulent 50 000 transformations multicolores, check, les fans veulent rendre canon des personnages issus des films non-canons, check, les fans veulent des surenchères de puissance, check, les fans veulent.... les fans obtiennent. Est-ce que ça raconte de bonnes histoires ? Est-ce que ça fait des personnages intéressants ? Est-ce que ça crée des incohérences et/ou du n'importe quoi ? Et tout simplement, est-ce que les fans savent ce qui est bon pour eux et pour la qualité de l'œuvre qu'ils affectionnent, ils croient savoir, mais le savent-ils vraiment ? Si les fans étaient de si bons conteurs que ça, les métiers d'écrivain ou de mangaka ou de scénariste seraient à la portée de tous... Or non, il manque un truc entre un fan et un auteur digne de ce nom : le talent et le travail (et la chance aussi, beaucoup même, soyons intellectuellement honnête).


D'œuvres plus ou moins riches et complexes, plus ou moins profondes, chacune avec leurs forces et leurs faiblesses, chacune dans leur propre genre, l'industrie sacrifie l'originalité, la créativité, la réflexion, l'audace, la polémique, la richesse sur l'autel du formatage aseptisé, conditionné et donc lucratif . Non pas qu'il ne faille pas que ça le soit, lucratif, mais chercher à optimiser la certitude de rentabilité par l'absence de prise de risques empêche toutes les singularités nécessaires aux qualités d'une œuvre.


Construire une œuvre riche, c'est faire des choix

Faire un film, c'est faire des choix car si on veut bien mettre en valeur et rendre savoureux et impactant ce qu'on met dans le film, on ne peut pas tout mettre ! Qu'il s'agisse d'une adaptation (où la différence de medium crée forcément une différence de narration) ou d'une œuvre originale d'ailleurs !


Peter JACKSON pour TLOTR avait, en rushes et en contenus, de quoi monter trois films de... 9 heures chacun ! L'a-t-il fait ? Non. Et c'est bien aussi, inversement, ce qui lui a été reproché pour The Hobbit : non pas qu'il brode pour nourrir le récit de compléments pertinents, mais quand il s'éloigne trop en voulant justement trop en mettre avec ses délires de fan de Tolkien, délires de fan qui ne respectent plus le matériau d'origine. Il faut faire des choix !


Quand on est face à un univers qui, d'une manière ou d'une autre, est copieux, d'une richesse et d'une diversité construites au fil de nombreuses œuvres étalées sur des années d'élaboration, il est pragmatiquement illusoire voire grotesque de penser qu'un seul film pourra adapter qualitativement l'intégralité sans être contrainte à sacrifier des pans entiers des qualités élémentaires attendues dudit film. Un film, encore une fois, ne se définit pas que par des images et du son ! Mais par des choix qui permettent d'exploiter au mieux ce qui est retenu. On attend d'un film digne de ce nom d'autres choses pas parce qu'on est élitiste ou parce qu'on voudrait obligatoirement des chefs d'œuvre à la pelle, juste parce qu'un film de base se juge sur un ensemble de qualités techniques et artistiques plus ou moins complexes qui mises bout à bout (ou pas) créent la qualité (ou pas) de l'œuvre. Un film, c'est un tout, on ne peut pas décréter que 90% de ce qui constitue la nature, la singularité, la qualité et l'identité du cinéma, on s'en fout, juste parce que la case "références" a été cochée.


Pour Mario, histoire de nourrir un peu l'univers, il y avait un boulevard pour développer la relation fraternelle entre Mario et Luigi, pour raconter quelque chose de plus et d'intéressant tout en respectant parfaitement l'univers et sans tomber, évidemment, dans une profondeur dramatique inappropriée (ça reste un univers coloré et joyeux bien sûr). Mais il y avait tellement moyen de donner un peu plus d'émotions à tout ça... Bah non, juste 3 scènes de 10 secondes sur 1h30 de film... Les compétences et les pouvoirs de Mario, ou même certains aspects identitaires de l'univers et de ses codes, il fallait prendre le temps de les sublimer avec une mise en scène épique, créative et maîtrisée... Bah non, on t'expédie tout à 300 à l'heure avec une caméra qui bouge dans tout les sens sans aucun soucis de magnifier les persos, sans aucun soucis de lisibilité ; on vient pour (re)découvrir Mario avec toutes ses lettres de noblesse, on vient pas regarder un speed run accéléré x10...


Prendre 1 million de références, les foutre dans un seau, bien secouer le seau puis le retourner en voyant comment ça retombe, ça ne s'appelle pas un film ça ! Navré, mais c'est pas du cinéma !


Mais bon, les gens biberonnés au MCU se sont tellement habitués, hélas, à une telle médiocrité, à un tel manque d'inspiration et de créativité du cinéma de divertissement que tous les retours positifs autour de Mario ne me surprennent plus... Mais un jour il faudra quand même que les gens comprennent que le "trop" est l'ennemi du "bien".



Angelus
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le 15 avr. 2023

Modifiée

le 15 avr. 2023

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