Un remake ne pouvant être intéressant que s'il est à la fois un remake et une création originale, on ne peut être, au départ, que séduit par les partis pris de Luca Guadagnino, partis pris qui visent à ne pas essayer de faire une pâle copie du chef-d'œuvre de Dario Argento. Sur le fond, il s'agit, comme le fait remarquer Laurent Duroche (Mad movies), « d'abandonner l'abstraction et la quasi intemporalité de l'original pour ancrer l'histoire dans un contexte concret : le Berlin déchiré par le rideau de fer et le terrorisme des années 70 ». Sur la forme, et en accord avec le fond, il s'agit de remplacer « le style art nouveau/déco saturé de couleurs, par un Berlin terreux et grisâtre façon Fassbinder, et les architectures baroques et rococo par des bâtiments industriels aux angles rigoureux ». Il s'agit aussi de placer la danse, et son pouvoir, au centre même du récit, alors qu'elle ne reste qu'un accessoire dans le film original. Tout cela est très louable et même excellent. Ajoutons l'élégance de certains mouvements de caméra, un montage d'une belle précision, une excellente interprétation de Tilda Swinton dans le rôle de la professeure de danse (par contre, l'idée de lui faire aussi interpréter le vieux psychanalyste juif, en la maquillant, me semble assez saugrenue), et de Dakota Johnson qui est ici d'une force, d'une animalité, à cent lieues de son rôle de star dans la bouse érotico-SM Cinqante nuances de Grey. Il y a aussi la très émouvante apparition de Jessica Harper, l'héroïne du film original, dans le rôle de la femme disparue du psychanalyste. Et l'on pourrait aussi parler des affiches du film, parmi les plus belles que l'on ait pu voir ces dernières années. Bref, tous les éléments sont réunis pour faire un excellent film. Malheureusement, on déchante vite, l'indifférence à ce qui nous est montré s'installe, voire l'ennui (et le film dure plus de 2h30 !). Le vernis culturel débouche sur une grosse daube, incohérente et d'une insupportable prétention. À la fin, et à court d'idées sans doute, le cinéaste nous offre une réunion de sorcières grossièrement pompée sur le film d'Alex Iglesia, Les sorcières de Zugarramurdi, à la différence que ce dernier film joue l'humour et le second degré, alors que Luca Guadagnino se prend terriblement sérieux. Luca Guadagnino a donc tout d'un méchant gâte-sauce qui, avec d'excellents ingrédients, nous propose un fort mauvais ragoût.