Sweet Movie
5.8
Sweet Movie

Film de Dušan Makavejev (1974)

Décevant. Ce film à la réputation sulfureuse n'aboutit nullement à la claque artistique et intellectuelle à laquelle je m'attendais. J'avais vaguement entendu d’une oeuvre folle, politique et presque surréaliste. “Politique” je veux bien, mais “folle et surréaliste”, c’est vite dit! Politique, c’est également un peu tiré par les cheveux, trop léger, évocateur, oui, mais fondamentalement politique, je ne crois pas, non. Quant au surréalisme, bien sûr, on peut y songer une seconde et lui accorder une certaine filiation, du côté provocateur par exemple, mais ça s'arrête là.


Le film est assez vide, très puéril, simpliste dans le fond, mais capable sur la forme de produire quelques très jolis plans. Son esthétique humide et amatrice (j’ai l'impression que le film sent le champignon) donne une image foutraque où la beauté visuelle semble le fruit du hasard, ce qui participe de son charme sans doute mais est tout de même un peu injuste. Dusan Makavejev arrive par je ne sais quel miracle à proposer quelques plans marquants sans être non plus exceptionnels.


Ils sont relativement rares en regard du nombre colossal de plans sciemment cradingues. Et là, on retrouve le fond qui prédispose la forme. En effet, ayant l'ambition absolutiste d'être rebelle, l'image est censée appuyer le propos novateur, illustrer la maîtrise scénographique et esthétique du propos. Or, cette ambition ne se suffit pas à elle même. Malheureusement, le réalisateur crée un objet grossièrement taillé, pour un discours faiblard, putassier parfois (la complaisance pipicaca ou pédophile est très éloquente à ce sujet) et finalement, tellement creux. Des scènes évidemment destinées à choquer le bourgeois jalonnent le film en continu et de façon artificielle.


J’ai eu le sentiment d'être devant un film écrit, joué, réalisé par des adolescents, quelque chose de bâclé, de court intellectuellement, d'inachevé, écrit à la truelle. Si “art” il y a, il est naïf, ce qui en soit n’est pas une mauvaise entreprise. Mais elle ne peut pas aboutir à autre chose, elle reste coincée dans son identité restreinte. Si bien que le film lasse vite, étouffe.


Seule la bouille aux yeux ronds de Carole Laure, autre enfant, pur, perdu dans un monde de brutes, éveille encore la sympathie. Alors, Makavejev insiste lourdement sur des gros plans de Carole Laure, le regard ahuri de tristesse. Et bien entendu, elle finit en une danse lascive dans le chocolat (salissure “merdique” toujours assénée avec si peu de subtilité, voyez).


Un peu avant la fin, le film met en scène la communauté de Otto Muehl. Et là, forcément, tous mes sentiments jusque-là plus ou moins confus, retenus par prudence se dévoilent de plus en plus clairement. Cette sensation de voir un film faussement audacieux fait sens. Otto Muehl vient d’un mouvement artistique qui a dérivé avec un aspect sectaire allant jusqu'à la condamnation de Muehl pour actes pédophiles. Ce vide vaguement new-age tourne vinaigre frauduleux, supercherie spirituelle autant que politique.


Quand on amalgame marxisme-léninisme au libéralisme sans argument comme le film le fait à plusieurs reprises, il est difficile de le prendre au sérieux. Ma lecture du film ne pouvait pas plus mal finir. De juste vain et faux, le film finit en s’affirmant volontairement malsain.


Non, décidément, l’art transcendant, l’art subtil, l’art révolutionnaire n’est jamais véritablement présent dans ce film. Sweet movie est un pet foireux et le revendique (ce qui est trop commode). Les grands artistes expriment bien plus, percent l'essence des choses, des émotions, de l’histoire, de l'humain. Or, ce film ne parvient même pas à en gratter la surface. Nan, ce n’est vraiment pas bon. Dommage.


voir trombi et captures sur mon blog, impossible de mettre le lien.

Alligator
4
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le 28 nov. 2016

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Alligator

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