TÁR
6.7
TÁR

Film de Todd Field (2022)

Une variation globalement assez intéressante du Black Swan de Daren Aronofsky, entre une rigueur de la mise en scène souvent assez impressionnante et le grand barnum d'une supraperformance taillée sur mesure pour le talent toujours aussi démesuré de Cate Blanchet.


Les préludes à la déchéance artistique autant que morale de la grande cheffe permettent une orchestration symphonique rigoureusement sèche des us et coutumes du petit monde soliste. S'y dévoile le perfectionnisme accablant des compositeurs à la recherche d'une hypothétique sublimation de l'art lyrique. Répétions performatives desincarnees, concurrence par instant déloyale, transcendance quasi divinatoire, exacerbation intellectuelle des partitions représentent autant d'étapes nécessaires au franchissement d'un seuil dantesque de la sublimation humaine. Ce sont sans doute les aspects les plus passionnants du film.


Dès lors que l'aspect psychologique tente de se frayer un chemin dans cet espace harmonieux, les ressorts balisés de la rédemption si chers au cinéma hollywoodien viennent quelque peut péricliter ce lied initialement opaque. Todd Field entend parler de son époque par le biais de la société philharmonique qu'il dépeint, et use pour cela de stratagèmes peu raccords avec la tonalité mezzo vocce de l'ensemble. D'où un recours de plus en plus excessif aux revendications progressistes (légitimes) assez grossièrement assemblées, ainsi qu'un usage freudien caricatural du rêve comme miroir d'une ambition trop démesurée. Le film tente alors le pari risqué du fantastique pour signifier la fragilité de plus en plus tangible de cette diva éparpillée, et cela vient malheureusement affaiblir la force de sa proposition. Je n'en dirais pas plus, car il se pourrait que l'intention que je prête au prologue puisse être sujet à caution.


Reste que le tour de force technique des interprétations scéniques est fabuleuse, sans oublier la photographie et les plans striant les cadres qui composent à eux seuls des mélodies d'une intensité folle. Nina Hoss, Noemie Merlant ainsi que toutes leurs comparses incarnent avec brio un renouvellement féminin (féministe) du corps musical classique. Au service d'une maestro dont on ne cesse de s'étonner de la régularité incandescente depuis tant d'années, quand bien même elle est parfois rattrapée par des stimgmates oscarisantes qui ne sont pas toujours du plus beau raffinement, comme dans le cas présent. Elle est suffisamment charismatique pour tout lui pardonner.

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le 6 févr. 2023

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