Tarzan
6.9
Tarzan

Long-métrage d'animation de Chris Buck et Kevin Lima (1999)

Ultime film de leur plus célèbre âge d'or, Tarzan vient achever dix années de reconstruction pour les studios d'animation Disney en adaptant à son tour le roman de Edgar Rice Burroughs après les multiples versions existantes qui se sont étalées sur tout le XXième siècle, au cinéma comme à la télévision. Et pour ne pas déroger à la règle, cette réalisation de Kevin Lima et de Chris Buck répète les contresens des dernières productions de la boîte, opposant le souhait d'aborder des histoires plus adultes et l'envie de les adoucir pour ne pas perdre la tranche d'âge principale.


Le premier quart d'heure de Tarzan est assez exemplaire en matière de présentation, dans la lignée des plus grands classiques de cette période faste. Two Worlds établit un effet miroir impactant autour de deux drames familiaux voués à se rejoindre, réussissant à nous apitoyer sur le sort de personnages tout récemment introduits et s'ouvrant sur une lutte pour la survie intense. L'arrivée dans la cabane résume avec brio en 3 plans l'attaque du léopard et la violence à laquelle nous avons échappé tandis que la découverte du bébé offre une rencontre empoignante de tendresse.


C'est l'intrusion d'un petit humain dans une troupe de gorilles qui nous conduit à l'un des plus beaux personnages maternels écrits par Disney. La mère adoptive jouée par Glenn Close, Kala, ne touche pas seulement par l'expressivité du dessin et ses interventions rassurantes mais bien par la décision qu'elle prend qui implique un sacrifice personnel aussi important que ce qu'elle gagnera en consolation. Assumer la responsabilité de l'orphelin revient à défaire son couple et l'harmonie qui y régnait, le film a l'intelligence de ne jamais le montrer trop explicitement et de laisser les deux gorilles séparés sur toute la durée, comme si tout amour entre eux était mort avec leur premier enfant.


Plus que rechercher sa vraie nature, Tarzan cherchera le respect d'une figure paternelle qui le renie, le rapport tendu qu'il aura avec le chef Kerchak sera un des plus intéressants à suivre car se départageant entre l'affection d'une mère et le futur feu pour Jane Porter. La partie où il n'est qu'un jeune garçon est malheureusement très ratée, s'enfouissant dans des pitreries ne servant qu'à inclure les sidekicks que sont Tantor et Terk, cette dernière étant insupportable à cause d'une Rosie O'Donnell horriblement gavante à entendre. Alors qu'il aurait été plus logique de voir les problèmes d'insertion de l'enfant et comment il doit se préparer aux dangers de la jungle. La transition faite par Son of Man remet heureusement le scénario sur le bon chemin.


Avec le retour de Sabor, Tarzan met en exergue un de ses attributs de poids, l'étourdissante alliance entre animation traditionnelle et numérique, dûe au logiciel ultramoderne Deep Canvas qui crée des décors en trois dimensions proches de la peinture. Lima et Buck ne sont pas les plus chevronnés du milieu mais font des prodiges avec ce nouveau système, pouvant étirer les scènes d'action sans obstacle et promener leur caméra où ils veulent. Jamais encore dans un film Disney l'action n'avait été aussi longue, frontale et endiablée, les personnages disposent d'une immense liberté de mouvement qui rend les affrontements et les poursuites frénétiques. Celui en bénéficiant le plus étant bien sûr l'homme-singe dont les déplacements et la démarche, très originaux, sont fabuleusement supervisés par Glen Keane.


Si son animalité est aussi manifeste, cela vient également d'un choix de représentation pertinent bien que malheureusement expliqué par la peur des polémiques raciales, l'absence d'africains à l'écran. Tarzan ne compte que sur la présence d'animaux pour que soit incarné visuellement le Congo, afin que la venue d'une expédition anglaise le fasse basculer vers un nouvel acte. Le rapprochement entre le seigneur de la jungle et la jeune femme est à la fois charmant et parlant, une belle complicité naissant entre eux dans une des meilleures scènes où Tarzan compare sa main à celle de sa semblable. Plus le dialogue est restreint, plus l'humanité des personnage ressort.


Ceci n'est pas toujours appliqué, les trois derniers quarts d'heure se battant sans relâche entre des confrontations et des dilemmes extrêmement puissants (le retour à la cabane où la vérité éclate) et des interruptions énervantes par les comics-reliefs (le campement saccagé, perte de temps totale). La conclusion est satisfaisante mais la menace pas assez intimidante car trop attendue. À nouveau, les réalisateurs doivent se dépêtrer de ce champ de contradictions, devant faire avec ce qu'on leur impose, les apports comiques n'étant pas juste forcés mais carrément mauvais, alors que le reste est de très bonne qualité.


Comme Mulan sorti un an avant lui, Tarzan foisonne de magnifiques moments mais la difficulté du studio à affirmer ses intentions le rattrape et l'empêche d'avoir l'étoffe d'un pilier de l'animation. Il n'en demeure pas moins une adaptation riche en bonnes idées, élevée par des images renversantes et les musiques marquantes de Mark Mancina et de Phil Collins.

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le 31 mars 2020

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Walter-Mouse

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