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Tatami
7.4
Tatami

Film de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv (2024)

Tatami m’a laissé une impression mitigée dans l’ensemble, principalement due à une mise en scène et des dialogues qui paraissent relativement sommaires et presque réalisés à l’économie.


Là où l’on pouvait s’attendre à une narration explorant la relation entre l’Iran et Israël, ce que laissent entrevoir les premiers échanges entre les deux judokates, le récit se limite finalement aux pressions exercées par le régime iranien sur ses athlètes. Le conflit politique de fond entre ces deux pays, n’est jamais réellement abordé. Cela génère une forme de frustration d’autant plus que le combat tant redouté entre la judokate iranienne et israélienne, construit depuis le début comme une ligne dramatique majeure, n’a tout simplement pas lieu. Pourquoi, dès lors, avoir laissé présager une telle confrontation au début du film..


De la même manière, puisque le film évacue le conflit entre l’Iran et Israël, la représentation des pressions politiques internes paraît elle caricaturale : les hommes de l’appareil d’État, en costume noir, rôdent dans les vestiaires comme sortis d’un cliché de film d’espionnage. Et en plus, c’est que ni l’entraîneuse ni la judokate ne semblent familières de ces pressions, alors qu’elles sont connues pour être récurrentes dans le sport iranien, et que l’entraîneuse elle-même en a fait l’expérience au début de sa carrière. Ce décalage entre la réalité d’un régime aux pratiques bien établies et la découverte soudaine qu’en font les protagonistes crée une impression d’artificialité dans la mise en scène, ce qui affaiblit la portée du propos.


Également, la métaphore du voile, utilisé comme symbole d’oppression et allant jusqu’à provoquer une scène d’étouffement, se révèle effectivement percutante visuellement, mais me semble-t-il reste un peu « facile » pour traduire la complexité des enjeux, d’autant que les causes du suffoquement apparaisse peu crédibles.

Sur le plan sportif, les combats souffrent d’une mise en scène trop répétitive : les voix off off énumèrent systématiquement les prises de judo, sans apporter de véritable tension à l’action qui se déroule. La redondance des affrontements finit un peu par lasser, d’autant plus que le duel attendu contre l’adversaire israélienne, élément qui aurait pu cristalliser tous les enjeux sportifs et politiques, n’est jamais montré.


Ce qui pour le coup est filmé avec subtilité c’est la relation entre la judokate et son entraîneuse, ce qui donne lieu à des scènes où l’on perçoit à la fois de la peur, du courage et de la résignation face à un système oppressif. Ce lien qui est filmé avec sobriété, constitue sans doute le cœur le plus sincère du récit. Il rappelle que derrière les enjeux politiques et idéologiques, il y a avant tout des destins individuels, en l’occurrence ici des femmes qui tentent de résister à leur manière, sur un tatami devenu le théâtre symbolique de leur combat pour la liberté. Le film aurait par ailleurs gagné à explorer d’avantage le point de vue des autres judokates Iraniennes présentent à la compétition plutôt que de les réduire à de simples silhouettes en arrière-plan. Cela aurait offert une vision plus collective des pressions subies.


Tatami donne parfois le sentiment de privilégier la cause qu’il défend au détriment de certaines ambitions cinématographiques. Si l’intention est clair, le film peut par moments évoquer davantage un manifeste qu’une œuvre cinématographique pleinement aboutie, ce qui peut limiter l’immersion du spectateur. Partant d’un sujet riche, il le défend avec conviction, mais s’appuie sur des symboles un peu appuyés et une dramaturgie qui aurait mérité d’être davantage approfondie.

Capii
5
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Créée

le 30 août 2025

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