Le taxi sillonne les rues de nos villes. Parfois, il nous attend à la sortie de l'aéroport ou d'une gare. Il fait parti du décor et se fond en lui. Même si on ne le prend pas, on connait son existence. Le cinéma s'en sert souvent pour prendre le pouls de notre société, comme on a pu le constater dans le classique Taxi Driver de Martin Scorsese, Night on Earth de Jim Jarmush ou plus récemment Taxi Téhéran de Jafar Panahi. Cette fois-ci, il nous emmène dans la capitale de la Bulgarie : Sofia.


La séquence d'ouverture se déroule en plein jour. Un homme tente de sauver son entreprise et se rend à un rendez-vous avec un banquier pour trouver une solution. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il est dans l'obligation de cumuler deux emplois et se retrouve à être aussi un chauffeur de taxi. Il va déposer sa fille à son école, puis va transporter une adolescente qui va se révéler être une prostituée. Elle assume de vendre son corps pour de l'argent et crache son mépris au visage de cet homme dépassé par cette situation. La violence de cet échange n'est rien face à celui qui va s'ensuivre avec le banquier véreux et arrogant. Pousser à bout, il abat cet homme corrompu, avant de retourner l'arme contre lui. Ce drame servira de fil rouge à l'histoire. On va passer d'un taxi à un autre et découvrir les différents visages d'une société en pleine agonie.


Comme dans Faute d'amour, la radio nous permet de prendre la température d'un pays. De la Russie, on passe à la Bulgarie mais le constat reste le même, notre société est en pleine décrépitude. Le drame ouvrant le film est commenté par les auditeurs. La plupart prenne parti pour le chauffeur de taxi. Ils comprennent son geste et explique que ce n'est qu'un début, qu'après s'être immolé, les gens en viennent à s'en prendre directement aux personnes responsables de l'état du pays et de la pauvreté accentuée par les inégalités sociales. A travers les vitres des taxis, on aperçoit des retraités fouillant les poubelles. A chaque coin de rue, on trouve un usurier et des prostituées. Certains accusent les migrants d'être la cause de tout leurs maux. D'autres pointent du doigt ces fainéants ne voulant pas trouver un emploi. On entend cela dans tout les pays du monde : France, Algérie, Espagne, Etats-unis, Italie, etc.... Pendant ce temps, on assiste à une fuite des cerveaux. Un choix de vie motivé par le besoin d'améliorer son confort en fuyant la misère de leurs pays. C'est une douleur pour eux de quitter leurs terres, comme pour les migrants. Ils espèrent avoir un meilleur avenir en partant ailleurs, ils espèrent.....


Le propos du film est intéressant, mais son récit éclaté provoque des baisses de tension. On est en souffrance face à la douleur d'un vieil homme venant de perdre son fils. Il en parle dans son taxi, mais son deuil n'émeut aucun de ses passagers et c'est auprès d'un chien errant, qu'il va trouver un peu de réconfort. Cette absence d'empathie est symptomatique d'une société se repliant sur elle-même, en poussant à l'individualisme, afin de diviser pour mieux régner.


Le suicide du chauffeur de taxi se retrouve aussi dans la transplantation d'un cœur pour un boulanger au chômage, pris en charge par un prêtre se trouvant aussi dans l'obligation de conduire un taxi. Ce cœur symbolise l'état de ce pays en ruines, gangrené par la corruption. Cette opération va sauver sa vie, mais ne va pas améliorer sa situation. C'est une goutte d'eau dans un océan de misère sociale.


Taxi Sofia dresse un portrait sombre de la Bulgarie. Il montre à travers divers personnages et situations, la noirceur de l'âme humaine et n'offre pas une seule lueur d'espoir. Même la femme se retrouvant face à un homme ayant brisé sa vie, ne peut savourer sa revanche. Le mal est fait et rien ne semble en mesure d'arranger l'état du pays et de notre monde.

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le 19 oct. 2017

Critique lue 335 fois

Laurent Doe

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