Le film de Jafar Panahi ayant reçu l'Ours d'Or à Berlin, j'étais content que l'UGC le repasse en ce début d'année, considérant que le festival de la capitale allemande n'est pas encore tombé aussi bas que Cannes. Cependant, après quelques minutes enthousiasmantes, c'est une oeuvre vide et ronronnante que j'ai vu, et non ce chef d'oeuvre avec peu de moyens censé être une critique de la société iranienne, et plus précisément de sa politique de censure.


J'ai surtout l'impression que ce film a eu du succès à cause de sa forme et de son but, et non pour ce qu'il est vraiment. En effet, pour le cinéma auteuriste, que faire de mieux que de féliciter un cinéaste supposé aller à l'encontre d'un régime autoritaire, surtout quand celui-ci utilise de simples caméras comme tout le monde en a aujourd'hui? C'est facile de penser que l'intention de Panahi suffit à respecter son oeuvre, car elle représente tout ce que Hollywood ne fait pas. Mais est-ce vraiment du grand cinéma? Pas pour moi.


Le début promettait beaucoup: premier plan long et patient, introduisant Téhéran tout comme le huis-clos mouvant qu'est la voiture qu'on ne quittera jamais pendant 1h20. Et la première conversation entre les deux premiers clients nous faisait penser à un film critique, oui, mais pas non plus obsédé par cette intention car teintée d'humour. Ce débat de sourds, entre l'homme fier et borné et la femme aux valeurs plus progressistes et effarée par le discours du premier, était une belle entrée en matière et annonçait un film composé de plusieurs saynètes autant drôles qu'intéressantes. Mais pas du tout.


La suite est un long chemin vers l'ennui, avec des personnages certes métaphoriques des multiples interdictions du régime (entre le vendeur de films et la nièce), mais dénués d'intérêt. En effet, il n'est pas suffisant de montrer que certains films n'ont pas le droit d'être diffusés en Iran et que les règles de censures sont très strictes. Qu'en fait le réalisateur, de ces données? Pas grand-chose. Il semble satisfait de sa mise en scène, passant du plan fixe du tableau de bord à la caméra de sa nièce, sans que le procédé n'apporte rien au film (à part le sempiternel effort de faire "avec les moyens du bord").


D'accord, tout le monde peut faire des films avec peu de choses, pas besoin de 200 millions et de casting oscarisé. Mais c'est bien cela le problème. Tout le monde peut faire un film, y compris ceux qui ne devraient pas. Le discours auto-centré de Panahi (qui ne rechigne jamais à se filmer en train de conduire) démontre à quel point ce dernier est fier de ce qu'il fait, notamment car son oeuvre et son travail ne cessent d'être mentionnés par les passagers. Mais qu'y a-t-il au delà? Une scène ridicule avec les femmes et leurs poissons, censée être spontanée mais seulement mal écrite; une autre ennuyeuse avec un ancien voisin parlant de ses malheurs...


Le manque de rythme fait également partie du film, étant donné la spontanéité supposée de la chose. Mais cela en fait un film assez creux, dont les parties les plus intéressantes (le débat du début, la nièce et le jeune voleur) sont trop courtes et noyées dans une oeuvre beaucoup trop fainéante. La dernière scène en est d'ailleurs la preuve: ces soi-disant voleurs sont-ils censé représenter le fait que même Panahi, lui-même, n'est pas le possesseur de ces images, ou est-ce simplement une scène peu crédible voulant faire une fin 'choc'?


C'est donc ce que j'ai ressenti à la sortie: beaucoup de bruit pour rien. C'est en effet le danger qui guette constamment le cinéma d'auteur. Quand le discours et les moyens sont à l'opposé des blockbusters, la communauté 'alternative' aime à se féliciter elle-même, pour montrer que le cinéma, ce n'est pas la cérémonie des Oscars. Mais donner l'Ours d'Or pour un discours n'est pas plus novateur que donner 3 fois l'Oscar à Meryl Streep.

Elvisant
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le 16 janv. 2016

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小汤 Elvisant

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