Quand Trump apprend à être Trump

The Apprentice aurait pu être un simple biopic opportuniste sur les jeunes années de Donald Trump. C’est pourtant un film plus subtil qu’on ne l’imagine, qui décortique avec malice la transformation d’un jeune promoteur ambitieux en figure du pouvoir sans scrupules que l’on connaît trop bien.

Le début surprend par sa bienveillance : le jeune Trump y est presque sympathique, nerveux, maladroit, humain. Le réalisateur prend le temps d’en faire un personnage de chair avant que l’icône ne dévore l’homme. Mais c’est précisément cette approche qui déroute parfois : le film semble hésiter entre empathie et ironie, comme s’il ne savait jamais s’il fallait comprendre Trump ou s’en moquer.

La vraie réussite du film tient dans la relation entre Trump et Roy Cohn, avocat impitoyable et mentor infernal. Cohn est le démiurge qui façonne Trump, le pousse à mentir, à manipuler, à refuser toute faiblesse. Leur duo, à la fois fascinant et glaçant, donne toute sa profondeur au récit. Sans Cohn, The Apprentice serait sans doute une chronique de plus sur l’ascension d’un ambitieux. Avec lui, le film devient une étude de contamination morale.

Visuellement, le film est élégant, parfois trop : on sent le souci du style, des décors léchés, du clinquant new-yorkais des années 70. Mais ce vernis esthétique a tendance à lisser le propos, à rendre la satire un peu sage. On aurait aimé plus de mordant, plus de chaos, un peu du vertige qu’inspire le vrai Trump.

Malgré ces limites, The Apprentice séduit par son intelligence et son humour discret. Il ne prétend pas livrer la vérité historique, mais offre une lecture fine du “personnage Trump” en devenir : un homme qui apprend à ne plus douter, à ne plus aimer, à ne plus écouter. On en sort à la fois amusé et glacé, ce qui est sans doute le meilleur compliment qu’on puisse faire à un tel film.