Nocturnal Animals

Après le succès du remake de la Planète des singes, Matt Reeves s'attaque à un monument de la Pop culture : Batman. La tâche n'est pas des moindres, elle est même gigantesque. Surtout après cette campagne de promotion plutôt réussie, nous présentant dans les différentes bandes-annonces, un Batman plus jeune, plus sombre aussi. Dix ans après la sortie du dernier volet de la trilogie de Christopher Nolan, qui s'est imposé comme une référence pour tout amateur de films de super-héros, et plus encore. Avec l'avènement du film de super-héros le plus abouti à ce jour : The Dark Knight. Film qui reste jusqu'à aujourd'hui sans équivalent du fait de sa maitrise et bien sûr habité par la performance légendaire du regretté Heath Ledger touché par la grâce.

Alors The Batman est-il son digne successeur ? La réponse est oui. Le film réussi l'exploit de dépasser toutes mes attentes et parvient à nous offrir la version la plus sombre et réaliste du Batman incarné à la perfection par l'immense Robert Pattinson qui livre une performance mémorable.

« Dans les BD d’origine il y a des passages où Bruce Wayne doute, il échoue et se trompe. C’est cela que j’ai exploré » (Interview de Robert Pattinson dans Le Parisien, du 2 mars 2022)

Dans cette citation, l'acteur nous montre clairement sa volonté de montrer toute l'ambiguïté de son personnage. Sa performance fait de lui sans nul doute le Batman le plus fidèle aux comics. Pattinson réussi a cerné parfaitement cette facette du personnage, plus solitaire, empreint de solitude, et ravagé par le doute. Reeves dépeint un Batman aliéné comme le montrent les multiples plans sur son dos, visiblement marqué par la tache qui est la sienne, celle de sauver sa ville de Gotham, gangrenée par la corruption et le crime. De plus, l'antagoniste du film se révèle également à la hauteur de l'évènement. La faute à un Paul Dano absolument terrifiant et possédé dans le rôle du Riddler. Au bon souvenir de ses performances déjà sidérantes dans Prisoners de Denis Villeneuve, ou encore dans There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson. Nul doute que cette prestation mémorable dans la peau de ce serial killer joue un rôle fondamental dans la réussite du film, comme l'était celle d'Heath Ledger dans The Dark Knight.

L'ambiance du film s'inscrit dans la droite lignée du Joker de Todd Phillips, qui avait déjà marqué les esprits de par sa noirceur. Dans ce sens il faut saluer le virage pris par Warner et DC. The Batman est l'antithèse des films Marvel et parvient à avoir sa propre personnalité. Il revendique son côté plus mature, plus complexe et plus sombre. Une vraie bouffée d'air frais dans une industrie qui s'est trop limité ses dernières années au modèle Marvel.

Le film de Matt Reeves arrive à se hisser au niveau de son illustre prédécesseur de par ses nombreuses qualités. Tout d'abord, la qualité de la photographie est juste superbe. Que l'on doit encore à l'excellent Greig Fraser qui avait déjà fait un travail remarquable dans le film Dune de Denis Villeneuve. Ajouté à cela un casting percutant, avec une Zoë Kravitz qui réalise une performance à la fois juste et subtile du personnage de Selina alias Catwoman. Son duo avec Robert Pattinson fonctionne très bien également et constitue un vrai atout pour le film. Sans oublier Jeffrey Wright, très crédible dans le rôle du lieutenant Gordon, ou encore Colin Farrell, méconnaissable dans le rôle du Pingouin. Enfin John Turturro est encore une fois parfait dans son interprétation de Carmine Falcone. Seul petit bémol par rapport au personnage d'Alfred incarné par Andy Serkis qui peine à convaincre dans cette version. Il faut dire que passer après Michael Caine n'est pas un cadeau.

Autre point fort, la bande originale du film est tout simplement exceptionnelle. La musique de Michael Giacchino pour le thème du Batman est très réussie. Elle colle parfaitement à ce Batman plus sombre, plus réaliste et plus torturé. Sa composition arrive à se hisser au niveau de Hans Zimmer qui avait mis déjà la barre très haute. Tout le travail autour du son, pendant les scènes d'action, est également très impressionnant. Ce qui nous permet d'être en immersion dans le film au plus près des personnages. Le costume du Batman est aussi très réussi, et laisse place à une combinaison plus réaliste, également au niveau du masque donnant un effet beaucoup plus intéressant, qui va dans le sens d'une aliénation du personnage. Un masque qui serre le visage de Bruce Wayne et nous laisse apercevoir la forme de son crâne. Sans oublier, le repaire de Bruce Wayne qui se rapproche davantage de celui des comics. Enfin, la scène d'introduction de la Batmobile est très réussie, pour ce qui est certainement la scène la plus iconique du film dans sa conclusion.

Le film surprend également dans le sens où il n'a pas vraiment grand-chose à voir avec les films de super-héros traditionnels. Son approche singulière oscille entre plusieurs genres cinématographiques, en plus du film d'action évidemment, il se rapproche davantage d'un film noir, d'un thriller, ou même d'un polar. Dans un film où l'enquête du Batman est au centre du scénario. Film aux multiples références notamment à plusieurs chefs-d'œuvre de l'histoire du cinéma comme Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock, pendant sa superbe introduction. Sans oublier, les références aux films cultes Seven et Zodiac de David Fincher, pendant l'enquête du chevalier noir. On peut même évoquer la série Mindhunter toujours de David Fincher, à travers tout le travail réalisé autour de la psychologie du personnage de Riddler interprété par Paul Dano, notamment lorsque :

Sinon pour terminer par un point qui m'a un peu chagriné. À deux reprises le film se permet de faire des raccourcis scénaristiques un peu gênant :

Dans la lignée de Joker, The Batman est un très grand film qui fera date. L'ambitieuse réalisation de Matt Reeves tient toutes ses promesses. Robert Pattinson incarne brillamment le Batman le plus torturé vu sur le grand écran à ce jour, dans un Gotham plus réaliste et sombre que jamais. L'enquête du Batman est passionnante. Enfin, la photographie de Greig Fraser et la musique Michael Giacchino sont autant d'éléments qui participent à cette expérience d'une réussite éclatante. Singulièrement, The Batman relance le chevalier noir au cinéma de la plus belle des manières grâce à son duo Reeves-Pattinson inspiré. Vivement la suite !

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