Orchidée...

Batman est un symptôme ; le symptôme qu'Hollywood ne fera plus jamais de bon films, en tout cas plus jamais de bons films populaires.

Et pourtant, The Batman a des arguments à faire valoir: ce n'est pas un Marvel, donc il a visuellement de la gueule. La photo est très bonne, les scènes d'action sont correctes, il y a une ambiance qui se dégage du film, ce n'est pas totalement impersonnel quoi.

Après, on pourrait toujours objecter que Gotham est tout de même bien proprette (le Paris de Ane Hidalgo semble crade à côté) ou que l'aspect émo du film est vraiment pas subtil (il pleut, il fait tout le temps nuit, Batman a abusé sur le mascara, et on met du Nirvana pour faire comprendre que le long métrage est sombre, c'est bon, on a compris l'idée).

La où le film pêche, c'est par manque de couilles, de burnes, de cojones, de valseuses, de grelots. Bref, pour résumer il n'a que de bien pâles bijoux de familles à nous proposer. Chaque enjeu, chaque dilemme moral est évacué dix minutes après son apparition. Le film semble poser des questions, mais n'a jamais le courage d'y répondre et ne laisse même pas ni aux spectateurs, ni aux personnages le temps de simplement y réfléchir. La consensualité est l'ennemie de l'art, comme chacun le sait, et ce film cherche à être hautement consensuel et surtout à ne pas solliciter le cerveau du spectateur.

On découvre que le père de Bruce était méchant? Cinq minutes après (littéralement), tout revient dans l'ordre, la vérité est rétablie, Thom Wayne était bien le héros que son fils imaginait. Il faut prouver que le grand méchant est bien le grand méchant? On découvre un enregistrement de lui de manière totalement inopinée où il fait un discours digne d'un antagoniste de James Bond, c'est pratique. L'administration de Gotham est entièrement corrompue? Heureusement, dans ce funeste marécage une fleur (noire, mais avec un nom latino, comme c'est subtil) a éclos et va vraisemblablement réussir à puger tout ça grâce à sa bonne volonté et ses petits bras.

Mais le pire reste le traitement du Sphinx. Objectivement, c'est lui le protagoniste du film. Il est celui que Gordon et Batman suivent docilement . Pendant que, depuis deux ans, Batman se balade en cape en se lamentant sur son utilité réelle, le Sphinx a réussi, en une semaine, à décapiter le monde du crime (bien aidé par le scénario, mais on salue la performance). Une sacrée leçon d'efficacité donnée au chevalier noir. Mais non, le film essaie de nous dire que le Sphinx est méchant. Ou, plutôt, aucun des personnages ne se posera jamais de questions sur l'éventuel bien-fondé de ses actions. Ce n'est pas créer une ambiguïté morale, c'est un refus d'obstacle. Le Sphinx tue, donc il est ontologiquement mauvais. Un parti pris qui, si effectivement traité, aurait pu être intéressant, notez. Néanmoins, il serait tombé à l'eau si l'on n'avait pas vu Batman cet apôtre de la non-violence, faire un certain nombre de victimes collatérales dans sa chasse aux oiseaux de proie.

Le pire vient avec la fin où, pour justifier le côté maléfique du Sphinx, les scénaristes ont inventé un plan absurde, à base d'inondation parce que.... parce que, bon, il est fou, cherche pas à comprendre, le tout avec un petit commentaire sur les réseaux sociaux, mais c'est traité avec le cul, donc on sourira devant l'absurdité du commentaire et c'est tout.

The Batman aurait pu être très bien. Mais, faudrait-il encore qu'Hollywood ait encore un peu de courage pour ça.