The brutalist se présente comme un hommage à un âge d'or du cinéma (les années 50), avec son format ajoutant ouverture et entracte, ainsi que son format filmique en vistavision. Ces formats, à l'origine, servaient à concurrencer la montée de la télévision en proposant au cinéma des expériences incompatibles avec les petits écrans. A l'heure où l'on va jusqu'à parler de la mort du cinéma face à la montée des plate-formes, utiliser un tel format peut être vu comme le choix militant d'un amoureux du cinéma. Pour autant, et même si l'on pense une ou deux fois, furtivement, au Rebelle de King Vidor (analogie facile, il n'y a finalement pas tant de films sur l'architecture), The brutalist ne ressemble pas tellement aux films de l'époque à laquelle il rend hommage.
Ce ne sont pas tant les références possibles à un cinéma plus récent. Le début et son hors-champ rappellent par exemple Le fils de Saül, et c'est un procédé qui sera repris plusieurs fois dans le film. Mais c'est surtout que le langage cinématographique a irrémédiablement changé depuis.
Dans The brutalist, nous suivons Laszlo Toth, un architecte juif fictif rescapé des camps de concentration, qui des Etats-Unis, cherche à faire venir sa femme et sa nièce, détenues dans un autre camp. Un capitaliste endurci, Van Buren, enrichi par la guerre, ayant vent de ses talents d'architecte, va lui commander un édifice commémorant sa femme.
Laszlo Toth va établir les plans d'un monstre de béton, dans le plus pur style brutaliste. Il apparaît dès le début évident, sans avoir besoin de l'épilogue, que Toth imagine une chose aussi massive et démesurée pour retrouver un équilibre mis à mal par son expérience dans un camp de concentration. Car Toth est très fragilisé, et succombe à une addiction à l'opium. Son bâtiment, dès lors, est ce qu'il espère redevenir. Voilà pourquoi il s'énerve tant à l'idée qu'on puisse retoucher ses plans : c'est toucher à sa propre intégrité.
Parmi les autres personnages, citons la femme de Toth, déterminée à survivre et à retrouver une vie, dont le soutien indéfectible à son mari n'est pas exempt de lucidité, au point qu'elle tient à retrouver un travail elle-même, fût-il inintéressant. Citons également Van Buren père, déterminé à posséder tout ce qu'il souhaite et pour qui (dixit la femme de Toth), édifier ce monument revient à arranger sa cuisine. Attiré par le parcours de Toth, cela remue en lui de vagues regrets, mais sa soif de possession l'empêche d'aimer, ou admirer, sans détruire.
Sans doute tout n'est-il pas parfait dans The brutalist, à commencer par cet épilogue qui nous explique ce que nous avions déjà compris. Mais l'ampleur, la sincérité d'un geste épris de cinéma, la qualité de l'interprétation, la beauté des plans, tout cela concourt à faire de ce film une belle œuvre qui tient sans difficulté sa longue durée.