Dis Peur & Deeper

Cette année nous aurons donc droit à une double dose (sans rappel) de Julien Maury et Alexandre Bustillo. Tout d'abord avec Kandisha sortie directement en VOD et très inspiré par Candyman puis The Deep House sorti en salles au début de cet été et qui revisitait la thématique de la maison hantée en version immergée. Faute de diffusion au cinéma près de chez moi c'est donc également en VOD que j'ai pu enfin découvrir le film bien calé au fond de mon canap(n)é.

The Deep House nous raconte donc l'exploration d'une maison submergée après qu'une vallée ce soit retrouvée complétement sous les eaux suite à la construction barrage. Un jeune couple spécialisé dans l'Urbex se lance le défi d'aller explorer cette maison dans les profondeurs d'un lac afin d'en faire une vidéo YouTube pouvant potentiellement leur assurer une rémunération.

La première force de ce nouveau film de Maury & Bustillo est bien évidemment son concept qui apporte un peu de fraîcheur à la thématique un peu usée du film de maison hantée. Sans toutefois totalement révolutionner le genre les deux réalisateurs nous proposent une plongée des plus immersive et efficace dans les entrailles d'une demeure très inquiétante. L'exposition est sans surprises mais correct permettant d'introduire des personnages crédibles avec ce couple interprété par Camille Rowe et James Jagger qui fonctionne parfaitement et qui n'est pas trop têtes à claques, les enjeux et le cadre de l'histoire. Bien sûr on comprendra tous d'emblée que le mystérieux inconnu qui conduit le couple vers leur destination est un peu louche , mais rien de vraiment préjudiciable à la mise en place du récit . Ensuite lorsque les deux personnages principaux plongent avec 70 minutes d'oxygène on sait que nous sommes nous spectateurs partis pour une exploration quasiment en temps réel de cette bâtisse sous les eaux. Et là petit miracle, The Deep House fonctionne parfaitement et nous plonge dans une exploration tout aussi fascinante que flippante d'un fabuleux décorum traditionnel de maison hantée mais renforcée par tout ce que l'élément liquide apporte d'inconfort, d'étrangeté , de mystère et de trouble. L'aspect flottant des éléments, la pesanteur étrange des choses, le trouble des ondulations de l'eau, l'obscurité des profondeurs tout s'accorde et concours à rendre l'exploration de cette maison à la fois singulière et assez classique foutrement anxiogène. J'avais presque la sensation de voir une version étendue de la fabuleuse scène aquatique de Inferno. J'étais dans un premier temps assez réticent lorsque j'ai su que le film adopterait un point de vue subjectif et une forme partielle de found footage tant je suis devenu allergique à ce procédé beaucoup trop souvent prétexte pour des petits malins à filmer du vide absolu n'importe comment. Dans le cas de The Deep House le procédé trouve une vraie justification et la multiplication des points de vue (un drone et les caméras embarquées des deux plongeurs) permet une véritable immersion qui conserve dans un premier temps une parfaite lisibilité dans sa mise en scène. Le décorum est formidable, la photographie est très belle , l'immersion est totale , l'exploration angoissante et le duo de réalisateur nous offre quelques plans magnifiques comme lorsque Ben s'élève bras en croix au dessus d'une crypte dans une posture christique. Durant une bonne partie du film j'étais complétement dedans, happé par l'ambiance singulière, fasciné par le décor et les images et même plutôt angoissé par la crainte de voir surgir l'élément surnaturel. J'ai même bien longtemps cru que je tenais devant mes petits yeux humides le tout meilleur film de Julien Maury et Alexandre Bustillo.

Malheureusement la fin du film viendrait (presque) tout gâcher. Tout d'abord lorsque l'action s'accélère et que l'exploration angoissante laisse sa place à l'urgence de la fuite le film retombe dans les pires tares du found footage avec mouvements de caméra frénétiques, agitation en guise de peur et perte de visibilité et de lisibilité pour nous pauvre spectateurs. Mais surtout The Deep House va totalement perdre de son aura mystérieuse en explicitant la mythologie de la maison à travers une histoire aussi convenue que poussive, foireuse et mal écrite. Toutes les magnifiques promesses semblent s'effondrer lorsque la maison prend possession des plongeurs et que les deux réalisateurs et scénaristes pensent que l'on a vraiment envie et besoin de tout savoir, tout comprendre et tout expliquer. C'est tout de même le comble d'une histoire de terreur lacustre semblant sonder les profondeurs que de se retrouver d'un coup en surface avec un récit complétement bateau à fond plat.

Histoire du lac à moitié vide ou à moitié plein , je préfère retenir le meilleur de The Deep House avec son formidable concept et toute cette fascinante partie du film qui nous plonge en apnée dans un sentiment d'angoisse moite et humide. Dommage que le final tout juste sauver par l'apesanteur poétique et hypnotique d'un dernier plan émouvant vienne largement foutre en l'air l'édifice.