"La famille, l'art ... ça va te déchirer en deux"

Après Babylon au mois de janvier, voilà que débarque sur nos grands écrans un second film de cinéma sur le cinéma (mais pas seulement sur le cinéma) et c'est un second coup de cœur pour moi. Steven Spielberg nous emporte, nous faire rire, nous émeut, nous faire rêver ... une fois encore. Normal, me direz vous, c'est ce qu'il fait depuis plus de cinquante ans.

Marquant le retour de Steven Spielberg à l'écriture depuis A.I. Intelligence Artificielle, The Fabelmans est sans conteste l'œuvre la plus éminemment personnelle du réalisateur le plus "bankable" de tous les temps. Ne nous voilons pas la face, il s'agit là d'une œuvre ô combien autobiographique, certes transposée à l'intérieur d'un récit dramaturgique et en partie fictionnelle, mais sans jamais être complètement sûr de savoir qu'est ce qui est vrai et qu'est ce qui est faux. C'est tellement bien fait, qu'il est très difficile de distinguer la part fictionnelle de la part autobiographique.

Avec The Fabelmans, Steven Spielberg dresse un portrait à la fois très touchant et un peu désenchanté de ses parents, Burt (Paul Dano) l'informaticien et Mitzi (Michelle Williams) la pianiste. Le père, c'est la logique et le réalisme, tandis que la mère, c'est le rêve et l'optimisme. Ce sont deux êtres qui s'aiment, mais dont la vision et les désirs respectifs finissent par les éloigner l'un de l'autre. Sammy, d'abord incarné par Mateo Zoryan, puis par Gabriel LaBelle, est le "double" cinématographique de Steven Spielberg. Que ce soit dans les moments idylliques, comme dans les moments plus tristes, avec ses yeux ou avec sa caméra, il capte tous les gestes et tous les regards, surtout les regards.

Il y a énormément de richesses, mais aussi beaucoup de subtilité dans ce film. On repère très vite des clins d'œil à certains films de Steven Spielberg, mais sans jamais que ce ne soit trop appuyé (au-delà du "easter egg"). Ainsi, dans les yeux du petit garçon Sammy qui découvre le cinéma, on a le même regard que dans celui du jeune androïde dans A.I. Intelligence Artificielle, quand il découvre le monde et l'amour de sa mère. A.I. Intelligence Artificielle étant l'un de mes Spielberg préférés, forcément ça m'a beaucoup touché. Quant à Michelle Williams, c'est LA grande révélation pour moi. Elle exprime tellement d'émotions par un simple regard, comme dans la scène où elle danse devant le feu de bois, ou dans le placard devant la pellicule du film de la grande révélation ... toutes ses apparitions m'ont absolument bouleversé.

Et puis j'ai plus particulièrement adoré deux scènes du film, qui en disent beaucoup sur Steven Spielberg himself. La première, c'est lorsque l'oncle Boris (Judd Hirsch) lui sort un magnifique discours sur l'art et sur la famille. La seconde scène se situe tout à la fin du film, lorsqu'il rencontre John Ford (David Lynch méconnaissable et absolument génial) un géant du Cinéma qui lui fait une leçon sur la ligne d'horizon et le plan final du film qui en tient compte. Dixit John Ford/David Lynch : “If the horizon’s at the bottom, it’s interesting. If the horizon’s at the top, it’s interesting. If the horizon’s in the middle, it’s boring as shit.”

Ce que j'ai beaucoup aimé aussi dans The Fabelmans, c'est cette ligne directrice dans le film qui oscille entre le cartésien (le père) et l'artiste (la mère) et voir comment Sammy va pouvoir se situer dans tout ça. Ainsi, son père parle sans cesse de son hobby pour le cinéma, mais lorsque Sammy réalise son premier court métrage, un western (après avoir vu L'Homme qui tua Liberty Valance de John Ford au cinéma), il se montre très cartésien. Parce que les coup de feux manquent de réalisme, il fait des trous dans la pellicule pour simuler des flash lumineux. Ensuite, lorsqu'il montre le film du week-end passé en famille, il fait deux montages différents, l'un qui montre la vision du père qu'il veut transmettre à sa femme (le montage initial) et l'autre (le montage alternatif) qui montre la dure vérité sur la liaison entre sa mère et le meilleur ami de son père Bennie (Seth Rogen).

A ce moment là, il y a un moment de flottement dans le récit et une véritable scission dans la vie de Sammy. Lorsqu'il s'éloigne de sa mère, c'est un peu la perte de la part artistique dans sa vie, au profit de la part cartésienne (les études et la vie avec son père). C'est pourtant son père qui va l'autoriser à repartir vers la réalisation, lorsqu'il le pousse à entrer dans l'industrie du cinéma et de la télévision. The Fabelmans, c'est un film qui peut parler à tout le monde, non seulement pour l'approche familiale de son récit (la marque de fabrique de Spielberg), mais aussi à tous ceux qui ont eu des envies artistiques ou plus simplement une passion.

Au final, que penser de The Fabelmans ? Bah c'est simple, pour moi c'est le meilleur film de Steven Spielberg depuis ... depuis le Soldat Ryan, peut-être ? En tout cas, c'est son meilleur film depuis très longtemps. Tonton Steven, c'est mon papa au cinéma. Je suis né en 1981 et mon enfance a été bercé par Indiana Jones, les Gremlins et Retour vers le futurs (avec l'aide de George Lucas, Joe Dante et Robert Zemeckis). Durant mon adolescence (la première moitié des années 90), j'en ai pris plein les yeux avec Jurassic Park et j'ai pleuré devant La liste de Schindler. Durant mes premières années en FAC, j'ai été bouleversé par A.I. Intelligence Artificielle et là avec the Fabelmans je retrouve le grand Steven, tout en pudeur, humilité et retenue (celui que je préfère).

Bref, quand le générique de fin arrive, je me suis dit ... "c'est déjà fini ?" Non vraiment, son seul défaut à ce film, c'est que quand il se termine, j'en redemandais encore !

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le 2 mars 2023

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lessthantod

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