C'est tendance de conchier Spielberg. Cela fait genre cinéphile. Parce que le gars est déclaré pachydermique dès lors qu'il verse dans le drame. Ou encore qu'il est au mieux manichéen, au pire putassier. Et que non, décidément, on ne mange pas de ce pain là.


Et puis, lire ici ou là que le réalisateur n'a rien fait de bon depuis vingt ans relève soit d'une inquiétante maladie d'Alzheimer, ce qui est particulièrement alarmant au vu de l'âge affiché par certains plumitifs, soit d'une suffisance critique qui a de quoi laisser pantois.


The Fabelmans, malheureusement, n'échappe pas à cette posture. Car en plus, certains décrètent aujourd'hui qu'ils n'ont pas eu ce qu'ils voulaient, puisqu'ils attendaient, manque de bol, la genèse du cinéaste, ou encore... Comment faire un film.


Et puis merde, cette famille qui en fait des caisses... Mais c'est nul !


The Fabelmans est un film des plus ambivalents : sa première partie est ainsi marqué d'une infinie tendresse, celle que les parents portent à leur enfant, même si celle-ci est maladroite ou encore empruntée.


C'est aussi l'enfance dans tous ses premiers émois : la peur initiale de l'inconnu et du noir, des géants sur le grand écran et une action, une représentation du réel qu'elle n'est peut être pas encore prête à recevoir. Une peur que l'on goûte et que l'on revit pour peu à peu l'apprivoiser et la muer en fascination.


Spielberg se décrit dans son dernier film comme pris en étau, entre ses parents d'abord, un scientifique terne et une artiste fantasque qui ne cessent tour à tour de lui affirmer qu'il lui ressemble le plus. L'enfant est inscrit dans un foyer aimant où pourtant, dès les premières scènes, quelque chose cloche de manière évidente. On sent que Paul Dano s'efface et se voile la face par amour, laissant les graines de la séparation grandir. Michelle Williams, elle, se montre tour à tour solaire et d'une infinie tristesse, capturée dans toute sa beauté par l'oeil de Steven, dans un film de vacances aussi nostalgique que dramatique signant la fin de sa cellule familiale.


Spielberg est aussi pris en tenaille entre sa famille et ce que son père qualifie de simple hobby. Une expression artistique elle aussi ambivalente, même plurielle. Qui est présentée dans ses multiples facettes et pouvoirs, autant comme refuge et exaltation de l'imaginaire que captation des secrets du monde et de la terrible réalité. Comme un moyen de communication ou encore l'ultime forme de mensonge, résonant de manière intime avec la séance privée organisée pour sa mère.


Un rapport ambigu, parfois, à sa passion, culminant en un plan tout aussi fugace que terrassant, hybride entre l'expérience de corps astral et le film d'horreur, lorsque Steven, alors que sa famille se déchire sous ses yeux, voit son terrible reflet en position de filmer la scène, impassible.


C'est sûr que Steven Spielberg, en 2023, n'a absolument plus rien à raconter et se montre plus pachydermique que jamais ...


Parsemé de personnages d'une drôlerie aussi efficace que tendre, le réalisateur fait le choix de la retenue pour filmer sa chronique familiale et donner au monde le récit d'une enfance et d'une adolescence cabossée d'un gamin en recherche d'harmonie et de contrôle. Son dernier film peut aussi donner les clefs et le goût de revoir certains de ses magnum opus, comme Duel et sa figure viriliste, E.T. ou encore Rencontre du Troisième Type, à l'aune de sa confession.


A l'évidence, The Fabelmans démontre, si cela était encore utile, que la jeunesse de Steven Spielberg ne le quittera probablement jamais.


Behind_the_Mask, qui fera désormais plus attention à la place de l'horizon.

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