Le film est un triptyque construit à rebours. On commence par la fin : un premier tableau nous montre la fin du (d’un) monde où tout s’éteint doucement (plus d’internet ! Là c’est vraiment La Fin !). Des humains désabusés qui passent et déposent leurs voitures, leurs sacs, leurs téléphones (!) et semblent accepter cet effondrement sans s’étonner plus que ça, de même à l’égard de la présence étrange d’une publicité concernant un certain Chuck. Cette absence de panique rend l’atmosphère irréelle, troublante et inquiétante. Nous sommes en pleine métaphysique. Le monde est K.O. et les étoiles ne dansent plus.
Le deuxième tableau nous présente ce fameux Chuck, comptable de profession, mais qui va montrer à partir d’un rythme de batterie en pleine rue qu’il n’est pas ce qu’il est, qu’il n’est pas figé dans une identité toute convenue. Ici une scène de danse assez fascinante et très réussie (et je suis pourtant loin d’être sensible à ce genre de gesticulation humaine). On y sent une joie de vivre, une énergie vitale, c’est l’acmé d’une existence qui s’exprime. Chuck a une musique en lui qui va jusqu’à faire danser les autres. Une musique dont on (voix off) nous prévient qu’elle va s’éteindre.
Troisième tableau : 30 ans plus tôt, Chuck petit garçon et adolescent que la vie va secouer entre décès et tendresse et forger ce qu’il est devenu. On voit ainsi ce qui a fait de lui à la fois un danseur et un comptable, entre apprentissage du « moonwalk » (un pas de danse glissé à l’arrière donnant l’illusion d’une marche en avant, figure narrative du film lui-même) et apprentissage de la science des chiffres.
Trois chapitres, trois moments, trois styles (film catastrophe, comédie musicale, film de teenagers) constituant une fable humaniste, soulignant l’importance d’une vie humaine. Quand celle-ci disparaît c’est tout un monde qui s’éteint.
Dans ce troisième volet on nous fait le coup du secret bien sombre. Celui d’une pièce interdite. Un grenier condamné qu’il ne faut évidemment pas ouvrir. C’est la patte (malheureuse) Stephen King. Complètement inutile. Qui n’apporte rien à l’histoire et la colore d’un vernis tout craquelé d’épouvante. On frise le ridicule et le dérisoire lorsqu’on nous en révèle le contenu. De même, on peut regretter l’omniprésence de la voix off qui dit tout. Il faut parfois savoir se taire et laisser glisser.