A partir de la nouvelle de Stephen King, Mike Flanagan propose une œuvre intrigante, créative mais parfois trop narrée à la limite du livre audio. Par la structure en 3 actes inversés il est difficile d'évoquer l'histoire sans en révéler trop. Chuck reste ici le personnage central, omniprésent et pourtant parfois plus observateur qu'acteur, incarné avec grâce — il n'y a pas meilleur terme — par Tom Hiddleston et Benjamin Pajak.
Le premier acte est d’une grande puissance et convoque aussi bien Melancholia que l'humour absurde d'un Edgar Wright époque cornetto. Dans un monde en déliquescence, l’absurde côtoie ici le sublime, comme avec ce père désespéré par la disparition de Pornhub. C'est touches absurdes viennent en contrepoint d'une ambiance douce-amère captivante, qui vient nous questionner de manière assez existentielle. Le deuxième acte fait un grand virage de genre mais reste lié par une forme d'émerveillement un peu naïf et un plaisir assez simple qui convoque cette fois plus le conte de fées (oui il y a un petit peu une touche de chanson Disney par ici). Le dernier acte me semble un petit peu plus en deçà, malgré de très belles sessions de danse, une grande complicité entre les acteurs et une atmosphère un peu doudou et régressive, proche des films de Spielberg. Déjà parce qu'il accuse une certaine baisse de rythme, la clé du film ayant été largement dévoilée par la voix off, mais aussi parce qu’il est en un sens le moins universaliste.
Globalement le film bénéficie d'un très beau casting, une bonne direction d'acteurs et surtout d'un découpage et d'un montage très maîtrisés. Chiwetel Ejiofor et Karen Gillan ont là aussi une très belle alchimie, très crédible. Mais pour moi, la voix du narrateur omniprésent finit par écraser l'image et ce qui s'y passe. Cet aspect proche du livre-audio m'empêche de m'immerger pleinement ou d'avoir de l'empathie pour les personnages. Le film se fait enfermer ainsi dans une forme trop littéraire et littérale. Si je reconnais volontiers que Life of Chuck possède une certaine magie et des émotions assez complexes, son parti-pris formel diminue sérieusement sa puissance audiovisuelle et émotionnelle.