C'est la dernière nuit de l'été pour Maggie, Rob, Claudia et Scott. Les quatre adolescents espèrent y trouver le grand frisson : celui des premiers baisers, premiers désirs et premières amours. Leurs chemins se croisent comme les rues de la banlieue ordinaire de Détroit où ils habitent.

The Myth of the American Sleepover, premier film de David Robert Mitchell, est un teen movie, pas spécialement atypique à première vue, mais qui pourtant trouve une vraie singularité dans ce paysage cinématographique très codifié.
S’il semble, de prime abord, se lover dans un habillage typé Sundance, petit musique et caméra hésitante, très vite il se débarrasse de ces oripeaux, creuse son propre chemin, distille sa propre atmosphère et étale son propre univers, le même que l’on découvre dans le second beau film du cinéaste, It Follows.

La notion de mythe qu’évoque le titre pourrait s’interpréter par la quasi absence de toute notion de temps et d’espace qui donne un sentiment d’universalité, d’intemporalité, de légende presque à cette histoire.
Une époque indéfinie : le film pourrait tout aussi bien se dérouler de nos jours, que dans les années 80 ou 70.
Une unité de lieu floue : une banlieue américaine typique, la même que celle d’It Follows, la même que celle d’Halloween de Carpenter.
Et une unité de temps : le film se déroule en trois temps, une fin d’après-midi, une nuit, une matinée.
Ce schéma en trois temps, qui n’apparaît pas de façon aussi mathématique dans le film, n’est pas sans rappeler les films de Rozier, car l’idée de la fugue, de la fuite, de l’errance, est également présente ici. Mais ce schéma pourrait tout aussi bien évoquer le film de loup garou. Cette fameuse nuit est traitée par le cinéaste de façon mythique, la banlieue nocturne y est filmée comme un cocon géant, très doux, cotonneux, dans lequel opère une sorte de métamorphose. La nuit y est dessinée comme un ailleurs, un univers parallèle dans lequel les adultes sont absents, ou dorment. Cet ailleurs, ce moment flottant, en suspens, dans lequel les corps errent, gracieux, légers, pourrait donc être le lieu de la transformation, de l’enfance à l’adolescence, ou de l’adolescent à l’adulescent.
Les corps hésitants, insouciants, pénètrent ce cocon nocturne, se font aspirer par la nuit, et en ressortent transformés, ou presque. En tout cas, durant cette nuit-là, des choses se sont passées est c’est ce qui importe, comme lorsque Alice refranchir le miroir.
Le film est parcouru par ce sentiment de fantastique, mais on reste à la lisière, alors que l’on y sera vraiment dans It Follows. Outre la notion même de cadre qui en est imprégné, ce sentiment caractérise également les personnages, filmés comme des créatures de la nuit, qui errent, se déplacent de maison en maison, de fête en fête, de pyjama party en pyjama party, sans repère spatiaux. Au milieu d’eux, il y a une sorte de vampire, une ado, une jeune adulte, qui transpire d’érotisme, de désir, et qui focalise le regard. Cette jeune fille est très peu filmée, son corps n’est jamais vraiment matérialisé dans le plan, cadré par fragments. Comme un prédateur redoutable elle se tient au bord du cadre, comme si elle se trouvait en dehors du cocon, de l’autre côté du miroir. Un jeune ado, intrigué, captivé, est attiré par cette vision, mais il ne fait pas le choix de franchir le miroir, préférant rester, tout du moins, le temps de cette ultime nuit, dans ce doux cocon, évitant une métamorphose trop brutale.
Cette question du choix est la question centrale du film. Durant cette nuit de la pyjama party, tous les adolescents vont devoir faire face à des choix, choix sentimentaux notamment. Aller avec l’un ou avec l’autre. Avec l’inconnu(e) ou l’ami de toujours,…
Cette question cruciale est travaillée d’une façon, qui pourrait paraître théorique, mais qui ne l’est pas à l’image, par l’un des protagonistes de l’histoire.
D’un côté sa petite amie, de l’autre le souvenir, à travers une vieille photo, de deux jumelles qu’il appréciait. Le temps de cette nuit, il décide partir à l’aventure, pour les retrouver et il se retrouve au milieu d’un carrefour et dans l’incapacité de vraiment choisir : sa petite amie, les deux jumelles comme une seule entité, une jumelle ou l’autre ?
Mais le choix le plus déterminant du film est celui du lendemain, lorsqu’il faudra sortir du cocon.
Le film est beau car il ne force jamais le destin de ses personnages, s’il on sent qu’ils ne seront probablement plus jamais ceux qu’ils étaient la veille, il les laisse dans un léger sentiment vaporeux, ne déterminant et ne distinguant pas concrètement l’enfant, de l’ado, de l’adulte.
Teklow13
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le 11 juil. 2014

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Teklow13

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