D’où nous vient cette fascination morbide pour la mort ? Qu’est-ce qui pouvez-bien nous pousser à aller nous rincer l’oeil sur des sites tel que Rotten lorsque nous étions adolescents ? Pour vous replacer, on y trouver des clichés d’accidentés de la route, des meurtres violents, des combats de clodos, des génocides congolais, et des photos des camps de torture de Guantanamo. Le genre d’images qui vous marquent à vie comme la petite série animée Happy Tree Friends où l’on s’amusait à regarder des petites créatures de la forêt s’entre-tuer violemment comme Itchy et Scratchy. Pas le genre de choses que l’on peut confier à n’importe qui. Ceux qui nous fustigent ne sont dans le fond pas si différent puisqu’on les retrouvent souvent devant les émissions de Morandini. J’ai pour ma part grandis avec les enquêtes de Pierre Belmard, les films d’horreur diffusés sur RTL9, et pendant que mon père buvait son café en lisant la rubrique fait divers de l’Est Républicain, je découvrais alors lycéen que les snuff movie n’avait en réalité rien d’une légende urbaine . Au moins le meurtre de Luka Rocco Magnotta aura eu le don de me dégoûter pendant un moment de cette curiosité malsaine. Mais il est loin d’être le seul, puisqu’on dénombre pas mal de meurtres et perversions dans les contrées les plus reculés d’Europe de l’Est. En 2007, les maniaques de Dniepropetrovsk sévissaient dans l’Ukraine profonde en tuant des personnes vulnérables, des enfants, des personnages âgés ou sans abris qu’ils prenaient par effet de surprise avec des objets tranchant ou contondant. Des meurtres d’une brutalité extrême, les corps étaient retrouvés salement amoché, les yeux arrachés, mâchoire et crâne défoncé au point que cela rendait très difficile le travail d’authentification. L’un de ces crimes sera même filmé et diffusé sur internet. Ce phénomène de voyeurisme ne date pas d’hier puisque dès les années 70, plusieurs péloches issues du bis italien faisaient scandale pour le réalisme de leur mise à mort, violes, tortures et sévices infligés au casting d’acteur (Salo ou les 10 Journées de Sodome, Cannibal Holocaust), à tel point que Ruggero Deodato devra s’en défendre au tribunal. Seul les violences faites aux animaux seront reconnues lors du procès. Quant à Pasolini, il n’aura pas la chance d’en témoigner puisqu’il finira roué de coup de bâton puis écrasé sous le poids de son Alfa Romeo.


The Poughkeepsie Tapes aura mis pas moins de 12 ans à débarquer sur nos écrans, précédé d’une réputation sulfureuse et d’une communication opportuniste et virale. Un site avait été créer pour l’occasion, le qualifiant comme « le found footage le plus terrifiant de tous les temps » avec d’autres arguments de vente destinés à choquer le chaland. Des superlatifs racoleurs et exagéré pour cette petite production des frères Dowdle également responsable de Catacombes et du dispensable remake de [Rec] (En Quarantaine). Sa rareté aura évidemment participé à façonner sa légende puisqu’on ne peut se le procurer que sur les réseaux de P2P. Il s’agit d’un faux documentaire relatant les 2400 heures de cassettes vidéos d’un serial killer retrouvés par des enquêteurs. Le film joue de cette ambiguïté en alternant entre reconstitutions des faits, visite des scènes de crimes, faux témoignages de criminologues et famille des victimes. Le plus intéressant étant les rushs diffusés par la police, où le tueur affublé d’un masque vénitien torture quotidiennement une femme retenue captive. Cheryl Dempsey développera avec le temps un syndrome de Stockholm et finira par éprouver une fascination obsessionnelle et un lien inextricable avec son bourreau, si bien qu’elle ne supportera pas sa séparation et finira par se donner la mort. Le duo de réalisateurs emploie beaucoup le hors-champ et finalement peu de gore, si ce n’est les restes de quelques corps mutilés comme le tête de cette homme enfonçait dans le corps d’une femme. Il y a une volonté manifeste à vouloir susciter la peur et l’effroi par la rétention d’images ou bien en simulant des situations qui manquent souvent de naturel et qui peinent à trouver le juste équilibre. En résulte un manque de crédibilité de l’ensemble, d’autant que les profiler finissent surtout par dresser le portrait d’un grand génie du crime qui semblerai insaisissable pour les autorités, capable de faire accuser un innocent à sa place grâce à un intellect diaboliquement supérieur, une connaissance accrue du système judiciaire et pénale et une extrême précaution quant aux empreintes ADN qu’il pourrait laisser y compris dans sa maison. Le film peine ainsi à trouver le juste équilibre, même s’il sait compenser son manque de budget par quelques bonnes idées parfois mal exploités. La vue subjective employé souffre par exemple de ses nombreux glitchs et parasitages intempestifs pourtant destinés à renforcer l’inconfort de visionnage ainsi que l’effet « vérité » d’une bande magnétique détériorée. Reste que l'on ne juge pas un film pour ce que l'on aurai aimé qu'il soit mais bien pour ce qu'il est réellement et si on le replace dans le contexte de sa sortie anonyme en 2007, l’histoire s’avère suffisamment glauque et intéressante à regarder bien que l’on sentira parfois une certaine lassitude poindre le bout de son nez. Ou bien peut-être finissons-nous simplement par devenir totalement insensible à la violence à force d’en regarder tous les jours sur nos écrans, c’est possible aussi.

Le-Roy-du-Bis
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le 6 déc. 2023

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Le Roy du Bis

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