Troisième voyage au pays de John Hillcoat, après une déambulation sympathique en terre apocalyptique (La Route) et une ballade plutôt appréciable dans la Virginie de l’entre deux guerres (Des Hommes sans Loi). C’est donc avec un plaisir non dissimulé que j’avais envie de découvrir son excursion australienne à l’occasion d’un western contemporain.

Fin fond de l’Australie, dernières années du XIXe siècle, à la limite de la civilisation occidentale, le capitaine Stanley, représentant de la couronne d’Angleterre dans cette terre sauvage, passe un pacte avec un bandit nommé Mike. Celui-ci doit tuer son grand frère, criminel impitoyable, responsable de l’attaque d’une ferme et du meurtre sauvage de ses occupants. Pourquoi cette « alliance » ? Si il veut sauver son petit frère de l'exécution, il n’a pas le choix, celui-ci il est donc au pied du mur.

Avant toute chose, The Proposition c’est d’abord une photographie. Tout bonnement éblouissante, resplendissante, étourdissante, étincelante, hypnotisante. Ainsi, le réalisateur a parfaitement réussi à rendre compte de la magnificence de son pays d’origine. Putain, mais que c’est beau !
Pour autant, cette photographie n’est pas de l’esbroufe ou un cache misère, derrière la caméra, John Hillcoat n’est pas un manche, la réalisation suit. En effet, on a régulièrement le droit à des plans magnifiques, mettant encore plus en valeur le sublime paysage. Je pense notamment à ce plan où un des personnages est debout, sur un rocher, une ombre le recouvrant, sur un fond de couché de soleil. Malheureusement je n’ai pas trouvé d’image pour l’illustrer, mais j’ai déniché un plan un peu dans le même thème http://giphy.com/gifs/7JR4VosTGqkbm . Pour le reste, la réalisation est en général sobre, efficace, sans fioriture, tout en retenue mais tout de même de toute beauté. Ça fait de bien de voir quelqu’un qui sait prendre son temps.

Outre les paysages, l’écran est aussi habité par hommes, incarnés par des acteurs au top de leur forme. Guy Pierce, dont je ne suis pas spécialement fan d’habitude, est véritablement convaincant dans le rôle de cet anti-héros devant faire un choix cornélien, John Hurt incarne encore une fois de manière efficace un personnage haut en couleur, et Ray Winstone est plutôt touchant dans les habits de cet idéaliste, nostalgique de l’Angleterre et s’étant fait emporté par la brutalité de ce territoire sauvage.

Western crépusculaire, dans la lignée d’un Sam Peckinpah, d’un Sydney Polak ou encore d’un Robert Altman, The Proposition reprend les codes du genre tout en les adaptant au cadre Australien.
Les indiens sont toujours présents, ici incarnés par les aborigènes, mystérieux, sauvages, quasiment invisibles, mais exterminés par les colons venus « civiliser » leurs terres.
La société est aussi sauvage que la terre sur laquelle elle prend pied, avec ses habitants souhaitant le lynchage d’un prisonnier, la seule justice serait donc l’auto justice dans ce territoire aux confins du monde.
Un peu comme la Horde Sauvage, la violence éclate de manière magistrale à certains moments. Comme si la tranquillité des lieux n’était en fait que le calme avant la tempête, une couverture sur cette violence qui couve.
De plus, comme dans les films du genre, les personnages sont ambivalents, brutaux, rarement des saints. Ce monde n’est pas fait pour les âmes sensibles, la faiblesse n’est pas la bienvenue. L’homme est ici une bête sans pitié.
De même on sent bien que toute cette histoire va mal se terminer, comme si les personnages savaient que la mort allait les attendre au bout du chemin. Ici, l’espoir n’est pas de mise.

The proposition, malgré sa violence et sa brutalité, n’en reste pas moins un film lyrique, car une véritable poésie se dégage du film. Ainsi l’ambiance est une des grandes forces du film, on est littéralement happé par ce que l’on a l’écran. L’atmosphère est immersive au possible, aussi bien crade, sale, qu’entrainante, resplendissante, mélancolique.
Rarement un western m’avait autant accroché sur ce point-là. Sentiment renforcé par le très bon accompagnement musical, qui se termine par un morceau tout en émotion.


Il parait que le Western est mort. Vive le Western.

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