On n’est plus là pour rire. Le voici arrivé en salles, le film-événement de ce début d’année 2016. Je parle bien sûr de The Revenant, celui qui s’affiche comme le grand favori à la course aux Oscars cette année, et qui semblerait enfin permettre à Leornado DiCaprio de remporter la précieuse statuette qui fait encore défaut à son palmarès. Mystérieux, intrigant, il faisait très envie. Même si c’est assez difficile, il a fallu laisser les attentes un peu de côté et en faire un peu abstraction pour en profiter au mieux. Alors, est-ce que The Revenant est ce chef d’œuvre annoncé qui va tout balayer sur son passage ?


Considérable challenge qu’est ce The Revenant, que je me suis efforcé de visionner avec un regard aussi objectif que possible, afin de ne rien manquer, et de ne pas non plus trop laisser m’aveugler. Pourtant, le film saisit directement le spectateur grâce à un plan-séquence remarquable mettant en scène l’attaque d’un campement de trappeurs par une tribu indienne. Sans cesse en mouvement, la caméra nous immerge instantanément dans l’action, et ne nous en fait perdre aucune miette. Suite à ce passage, je savais que j’allais avoir à faire à un film techniquement très pointu, ce qui est devenu une marque de fabrique chez Iñarritu.


C’est d’ailleurs sur ces mouvements de caméra que le réalisateur va jouer tout au long du film. Rares sont les plans fixes, ce qui est un choix judicieux, la grande majorité des plans étant tournés en extérieur. Ces mouvements rotatifs et/ou de travelling permettent à l’œil du spectateur de ne pas se relâcher, de capturer le mouvement, et aussi de percevoir l’impression de danger permanent et omniprésent qui menace les protagonistes.


La photographie et la technique de réalisation restent sans aucun doute les plus grandes qualités de ce film. Très contemplatif et immersif, The Revenant nous fait découvrir un univers à la fois terrifiant et fascinant, exaltant le spectateur, habitué au confort de son fauteuil, qui éprouve ici une peur presque jouissive, car il vit des aventures extrêmes sans se sentir en danger. L’histoire se déroule il y a seulement deux cents ans, mais nous ramène dans des contrées sauvages où ce sont avant tout les instincts primaires qui régissent nos actions.


Je n’ai pas pu m’empêcher, au cours du visionnage du film, d’effectuer un parallèle avec le Valhalla Rising de Nicholas Winding Refn. Celui-ci proposait également une histoire dans des contrées sauvages et désolées, avec comme personnage principal un guerrier silencieux. Plus modeste d’apparence, le film était également beaucoup plus contemplatif, court, mais, malgré son côté « inaccessible », parvenait à fasciner et à captiver son spectateur. The Revenant y parvient aussi, avec un plus gros budget, et un propos différent, qui le pousse même à faire quelques erreurs de parcours.


Il ne s’agit ici pas d’une erreur, mais d’une simple rectification. Là où le film est annoncé comme étant basé sur la volonté de vengeance du héros, Hugh Glass (laquelle a également animé le vrai Hugh Glass, car le film est tiré d’une histoire vraie), c’est pour moi l’instinct de survie qui est ici mis en évidence. Qu’il s’agisse de Glass ou Fitzgerald, ce n’est pas tant l’antagonisme entre les deux qui est au cœur du sujet, mais leur propre capacité à survivre, et leur manière d’y parvenir. Quand le premier se bat corps et âme pour à nouveau marcher et retrouver la civilisation, le second se focalise sur ses intérêts propres et détourne l’attention pour se sauver lui-même, peu importe ce que cela doit impliquer.


Pas d’empathie, ni d’antipathie ici, donc. En revanche, le film parvient aisément à déranger par l’incroyable quantité de violence qu’il met en scène. Le combat entre Hugh Glass et le grizzly est l’un des plus durs que j’aie vu au cinéma, et l’inimaginable douleur endurée par le héros se transmet efficacement au spectateur. Une douleur d’ailleurs à mes yeux magnifiquement jouée par Leonardo DiCaprio, dont j’imagine difficilement de bonnes excuses pour qu’il ne rafle pas l’Oscar cette année.


Mais il faut le dire, le film n’est pas non plus parfait. Le premier reproche qui peut lui être fait concerne sa durée. Même si le spectacle est assez impressionnant et l’ambiance particulièrement prenante, 2h30, c’était peut-être un peu trop. Certains passages auraient pu être éludés sans porter préjudice au bon déroulement de l’intrigue. J’ai également lu certaines critiques jugeant la performance de Leonardo DiCaprio trop excessive pour qu’il mérite la récompense du meilleur acteur, un véritable acteur devant savoir se faire oublier au profit du personnage qu’il incarne pour réellement réussir son travail. Un constat loin d’être stupide, certes, mais difficile à appliquer au vu du contexte dans lequel The Revenant fait son entrée en salles. La récompense de Leo est tellement attendue qu’il est difficile de faire abstraction de lui lors de sa performance au cours du film.


Là où Iñarritu pêche également un peu, c’est qu’à vouloir trop soigner sa technique et à adopter un style très académique, il se rend visible. Si dans Birdman, que j’avais moins apprécié, cela ne se voyait pas réellement, ici on le sent davantage. A presque trop soigner son rendu, Iñarritu se rend visible derrière sa caméra, et bien que j’aie plus haut loué cet utilisation du mouvement dans ses plans, cela peut également porter préjudice car lorsque l’on remarque cela, c’est qu’on parvient à se détacher du film, donc que le réalisateur a manqué quelque chose quelque part. Le réalisateur devient presque un personnage qui accompagne les protagonistes, ce que certains seraient en droit de regretter. Mais cela reste relativement mineur.


Alors, quoi penser de The Revenant ? Eh bien, beaucoup de choses. Ce qu’il est important de faire, c’est de ne pas trop s’empresser et de prendre un peu de recul quand on cherche à le décortiquer et à le juger de manière juste. Pour résumer ma pensée, The Revenant est un spectacle visuel et émotionnel puissant, réalisé avec une technique (presque) irréprochable, qui joue dans l’excellence, mais n’atteint pas la perfection.


Si je peux difficilement parler de chef d’œuvre, je peux objectivement dire qu’il s’agit d’un film de très grande qualité, et on ressent tout au long du visionnage l’impressionnante quantité de travail qui a été allouée à sa réalisation. Grandiose par ses décors, dérangeant par l’immense quantité de douleur qui en émane, mené par un très grand Leonardo DiCaprio, j’admets bien volontiers que The Revenant est à voir, et qu’il marque les esprits. On aurait cependant apprécié plus d’émotion et d’empathie envers les personnages ainsi que moins de longueurs. Dans tous les cas Iñarritu fait une nouvelle fois le bon élève et semble rendre la copie parfaite à quelques semaines des Oscars qui, probablement, le lui rendront bien.


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le 26 févr. 2016

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