La vengeance au plus profond de sa chair

Votre mission, si vous l'acceptez, est de voir The Revenant dans une salle de cinéma, avant la cérémonie des oscars. Le challenge est accepté et le dimanche à 20h, nous sommes assis dans nos fauteuils, en se moquant des bandes-annonces des films français à venir, tout en se gavant de pop-corn. La salle est en ébullition, la séance est complète et tout le monde cherche une place de libre. On a les connasses qui chouinent parce que le pop-corn ça fait du bruit, mais ça envoie des textos en sortant un sandwich avec du fromage qui pue dedans.... Il y aussi la reloue qui va aux toilettes après avoir obtenu sa place en plein milieu et dérange tout le monde. L'emballage d'une paille finit sa course sur ma joue droite, mes voisins sont joueurs, on en rigole car on est des gens trop cool. Bref, tout le monde est en grande forme pour assister à l'immense performance du futur oscarisé Leonardo DiCaprio.


Nous sommes dans l'Amérique sauvage, où la nature est le véritable maître des lieux. Des indiens attaquent des trappeurs. 33 d'entre eux vont y laisser la vie, les survivants vont tenter de rejoindre le fort Kiowa. Ils vont suivre la piste choisie par l'éclaireur Hugh Glass (Leonardo DiCaprio), qui a toute la confiance du capitaine Andrew Henry (Domhnall Gleeson). Mais il est accompagné de son fils Hawk (Forrest Goodluck), un sang mêlé. Une présence qui dérange John Fitzgerald (Tom Hardy), qui voue une haine immense envers les indiens. L'ambiance va rapidement se détériorer et le périple va devenir un véritable cauchemar.


Cela commence fort, très fort. Alejandro González Iñárritu nous emmène au cœur de l'action, grâce à un long plan séquence lors d'un affrontement entrent des trappeurs et des indiens. L'immersion est totale, on est pris aux tripes et cela sera comme ça tout le long du film. En quelques minutes, le spectateur est mis en condition. Après ce premier choc visuel, le combat de Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) avec un grizzli, continue de nous secouer dans tout les sens, c'est impressionnant. Notre héros est dans un sale état, la mort rode autour de sa dépouille ensanglantée et on se demande comment le film va pouvoir nous captiver durant les deux prochaines heures.


La force du film est de nous tenir en haleine, jusqu'au dernier plan final où le regard d'Hugh Glass (Leonardo DiCaprio), va marquer les esprits, comme les nombreux autres plans magnifiques, que va nous offrir Alejandro González Iñárritu. Il nous régale avec ses plans séquences, comme avec ses 360° avant que sa caméra lève les yeux au ciel, pour mieux revenir au cœur des superbes paysages entourant le corps en souffrance du héros. Il est laissé pour mort et va puiser dans sa soif de vengeance, la force de survivre. La nature va se révéler être son allié, mais aussi son ennemi. Ses ressources naturelles vont lui permettre de se nourrir, mais les conditions climatiques vont rendre son chemin difficile. Ses rapports sont les mêmes avec les indiens, qui sont sur ses pas où les français se révélant être la cause de toute cette violence. Il est seul contre tous, mais les murmures des fantômes de ses proches décédés, vont le mener au bout de sa vengeance.


Le film est une adaptation du roman de Michael Punke, s'inspirant de la prouesse du trappeur Hugh Glass, parcourant 300 kilomètres sans armes dans le Dakota du Sud. Alejandro González Iñárritu en a fait un drame violent, tout en étant un hymne à la nature. Il a filmé l'histoire en lumière naturelle avec la complicité du photographe Emmanuel Lubezki déjà oscarisé pour son travail avec Gravity et Birdman. La beauté du film est renversante, comme la performance de Leonardo DiCaprio, mais aussi d'un Tom Hardy méconnaissable. Ils vont se livrer un duel mémorable. Les oscars de meilleur réalisateur, acteur et photographie sont amplement mérités. La forme est magnifique et le fond se révèle saisissant par les diverses émotions qu'il procure tout le long du récit.


L'oscar du meilleur acteur est enfin attribué à Leonardo DiCaprio. On peut débattre longuement sur le fait de savoir, s'il aurait du avoir la statuette pour ses performances précédentes. Mais ce serait une perte de temps, surtout qu'il a enfin obtenu et qu'elle est amplement méritée. Son rôle est surtout physique, du moins en apparence. Son regard va transmettre toute sa rage, sa détresse et sa souffrance. Il est impressionnant et se révèle être l'ancêtre du mythique Rambo. Alors là, je sens une vague de protestations face à cette comparaison. Le parallèle est pourtant indéniable. Nos deux héros vont se servir de leurs connaissances pour survivre et traquer leurs ennemis. Ils vont se soigner avec de la poudre à fusil et être amorti par un arbre dans leurs chutes spectaculaires. Bien sur, on peut se dire que ces deux films s'adresse à un public différent, mais sous ses airs d'auteur, The Revenant avec son budget de 135M est un blockbuster selon les normes hollywoodiennes. Cela n'enlève rien à sa qualité, bien au contraire. Si tout les films à gros budgets pouvaient être aussi jouissif visuellement, tout en nous mettant mal à l'aise face au parcours du héros, j'en serai extrêmement ravi.


C'est brutal, violent et éprouvant. On ne ressort pas indemne du film. On va garder plusieurs images dans nos têtes. Son impact visuel est impressionnant, cela justifie amplement l'oscar pour Alejandro González Iñárritu. Il nous plonge sans ménagement au cœur de cette vengeance et de cette nature. On peut citer Terrence MalickWerner Herzog, pour la beauté des paysages et la violence des rapports humains. On apprécie aussi les thèmes qu'il aborde, tel le racisme, la conquête de l'Amérique par les européens et les exactions commises par eux. Il n'y a pas de héros dans ce monde-là, comme il n'y a pas d'un côté les bons et les méchants. Certes, le personnage interprété par l'excellent Tom Hardy est une pourriture, mais c'est l'argent et ce besoin de possession qui a perverti cet homme dénué de sens moral.


C'est du cinéma qui nous prend aux tripes. L'expérience est visuellement sublime et la performance de Leonardo DiCaprio rend l'oeuvre encore plus puissante. Alejandro González Iñárritu signe son plus grand film et un des meilleurs de l'année, incontournable.

easy2fly
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le 29 févr. 2016

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Laurent Doe

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