Elle en pire
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le 10 oct. 2024
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J’avoue que j'avais un peu de mal à comprendre l’engouement autour de Coralie Fargeat après seulement un film, assez bancal qui plus est. Mais le cinéma de genre ayant le vent en poupe dans l’hexagone, et le féminisme plus globalement, on comprend l’attrait du projet qu’elle a écrit en plus de le réaliser. Revenge aura au moins eu le mérite de souligner une certaine radicalité chez la cinéaste, ce qui promet au spectateur de ne pas voir un truc plan-plan. Et sur ce point, The Substance est une réussite. Et s'il ne m'a pas totalement conquis, il confère un sacré potentiel à son autrice.
Fargeat n’y va pas avec des pincettes, et le sujet est clair d’emblée. On va traiter ici du refus de soi par le regard des autres, la société du paraître, qui aliènent Liz (Demi Moore). Elle a le droit à une seconde chance par le biais de la substance éponyme qui génère son double parfait avec qui elle doit vivre en alternance. Mais cette opportunité est employée à se renfermer dans une même boucle de vanité, esclave de l’opinion d’hommes qui se touchent devant la plastique parfaitement émoustillante de Sue (Margaret Qualley, vue chez Kojima, Lanthimos et Tarantino, ou dans The Leftovers), son alter ego. Ce sont les affres d’une société patriarcale qui pousse les femmes à douter, à se courber, et à se charcuter pour obtenir une validation de l'œil masculin. Et si Liz peut initialement paraître antipathique de par son asservissement à son image, on comprend bien que cette personnalité est celle issue de décennies de souffrance. Une étoile que l’on a célébré puis que l’on a jeté aux oubliettes alors que son corps commençait à se rider, perdant de sa valeur marchande et fantasmatique. Tout juste bonne à se faire souiller. Une victime de plus.
On comprend rapidement que nous sommes dans un monde fantasmé qui se fout de la vraisemblance. Liz/Sue comprend instinctivement le fonctionnement du produit, sans instructions, tandis que tous les personnages présentés sont des stéréotypes sur pattes. Si on ne cherche pas la crédibilité, alors on peut donner des réactions ridicules aux personnages, on peut créer une cité artificielle qui n’a aucun sens pratique : on peut se concentrer sur le message de l’autrice, et les visuels qu’elle propose
S’enchaînent alors les gros effets sonores, les grosses basses musicales, les longues focales, les gros zooms, les mâles toxiques outranciers... Un style pompier MTV assumé mais qui lasse au bout de la énième répétition. Fargeat utilise les codes de ce qu’elle entend dénoncer, on comprend l’intention, mais le matraquage finit par user, et ironiquement, on a l’impression d’être devant une de ces productions rancies. Singer l’usine à viande ne crée pas de dissonance comme escompté et dilue l’impact des effets employés malgré une esthétique initialement originale et aboutie. La longueur du métrage n’aide pas la tambouille qui frôle l’indigestion.
Je dis frôle, car le final vient foutre un bon coup dans l’ennui qui s’était installé. La victime éclate dans un cri de rage qui se mêle au désir persistant de plaire aux regards libidineux. L’imagerie aseptisée employée jusqu’alors éclate à coup de grand guignol, un mélange de sein-couille ignoble, un fatras d’hémoglobine que ne renierait pas le Evil Dead d’Alvarez, et de morceaux de chair distendue alla Braindead. Un #MeToo revanchard qui refuse le compromis, mais qui finit malheureusement sans conséquence aucune. Un coup de serpillère sur la gueule, ravagée au sol, et on fait comme si de rien n’était. Cause toujours tu m’intéresses.
A l’heure où j’écris ces lignes, la chronique est toujours à l’heure des affaires Pelicot ou P. Diddy, sept ans après l’avènement du mouvement social. Les connards ont la peau dure, et Fargeat en est consciente. The Substance semble plus chercher à gueuler qu’à raisonner. Pas une tare en soi, et le film constitue déjà une belle progression par rapport à l'œuvre précédente de l’artiste. Mais il pâtit de beaucoup de maladresses
Coralie Fargeat a une dent contre les hommes, et on la comprend, mais la lourdeur de la démarche dessert le propos. Le manque de nuance, assumé dans un cri écœuré, aura bien du mal à atteindre une cible qui ne soit pas déjà conquise. Si Promising Young Woman, ou Poor Things, n’était pas les plus subtiles des œuvres, elles savaient éviter tout manichéisme. Mais on retiendra tout de même une intro diablement efficace, et une conclusion généreusement bis qui ravira les fans de gore comique.
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le 21 oct. 2024
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