Voir le film

Après Revenge, où Coralie Fargeat imposait déjà un style viscéral et hyper stylisé, The Substance confirme qu’elle n’a pas peur d’aller là où ça dérange. Mais cette fois, elle pousse encore plus loin, troquant le désert brûlant pour un laboratoire clinique de la féminité. Le film est frontal, outrancier, parfois inconfortable – et pourtant impossible à ignorer. On y suit Elisabeth Sparkle, ancienne star de la télé reléguée aux marges, qui se voit offrir une seconde jeunesse par une mystérieuse substance. Ce qui commence comme une renaissance vire rapidement à la possession, à la lutte interne, à l’implosion.


Ce qui frappe en premier, c’est la précision de la mise en scène. Tout est millimétré : la lumière, les décors, la direction artistique, jusqu’aux transitions entre horreur crue et surréalisme grotesque. Visuellement, le film est d’une beauté glaciale, presque trop parfaite, plastique. Fargeat ne laisse rien au hasard et sa caméra autopsie littéralement les corps, les visages, les illusions. Difficile, par moments, de ne pas détourner les yeux. Pas tant à cause du gore, mais de ce qu’il signifie : une société qui digère ses femmes avant de les recracher.


Là où le bât blesse (ou fascine, selon le regard), c’est dans le traitement des références. Elles sont nombreuses, et surtout très visibles. La moquette orange façon Shining, la musique de Strauss comme dans 2001, les seringues d’Aronofsky, les reflets lynchiens… Tout ça est là, parfois trop là. On ne les découvre pas, on les reçoit de plein fouet. Ça peut gêner, donner l’impression d’un exercice de style trop conscient de lui-même, voire d’un pastiche. Mais on peut aussi y voir une forme de jeu : Fargeat semble s’amuser à nous tendre ces clins d’œil comme des pancartes lumineuses, pour mieux les détourner ensuite et faire passer son propos – une critique acide des normes, de l'image, de l'effacement.


The Substance n’est pas un film aimable. Il est lourd, grotesque, parfois déroutant. Mais c’est aussi une proposition rare, qui ose mélanger les genres, les tons, et bousculer ses spectateurs jusqu’à l’épuisement. J’en suis sorti à la fois rincé et admiratif, pas certain d’avoir tout aimé, mais sûr d’avoir vu quelque chose. Et dans un paysage souvent formaté, c’est déjà énorme.

Isomedo
7
Écrit par

Créée

le 28 mai 2025

Critique lue 17 fois

Isomedo

Écrit par

Critique lue 17 fois

D'autres avis sur The Substance

The Substance
Rolex53
9

Elle en pire

Elisabeth Sparkle (Demi Moore) ne fait plus rêver. Son corps se fissure un peu plus chaque jour sur Hollywood Boulevard. Une étoile sur le Walk of Fame qui ressemble désormais aux scènes fanées d'un...

le 10 oct. 2024

170 j'aime

8

The Substance
Sergent_Pepper
6

Substance (without subtext)

Idée maline que d’avoir sélectionné The Substance en compétition à Cannes : on ne pouvait rêver plus bel écrin pour ce film, écrit et réalisé pour l’impact qui aura sur les spectateurs, et la manière...

le 6 nov. 2024

134 j'aime

15

The Substance
Behind_the_Mask
3

Le voeu de la vieille

The Substance vient tristement confirmer qu'entre Coralie Fargeat et le masqué, ce ne sera jamais une grande histoire d'amour.Car il a retrouvé dans son nouveau film toutes les tares affectant son...

le 8 nov. 2024

88 j'aime

21

Du même critique

Une bataille après l'autre
Isomedo
5

Une bataille perdue d’avance

J’ai trouvé le film très inégal. On sent qu’il y a une vraie volonté de parler d’un sujet politique brûlant, presque nécessaire dans le climat actuel, mais la manière de le faire reste maladroite.Le...

le 27 sept. 2025

2 j'aime

Le Comte de Monte-Cristo
Isomedo
7

Dumas revu et corrigé : Monte-Cristo à l’ancienne

ATTENTION SPOILERTout dans cette robuste et très agréable relecture du classique d'Alexandre Dumas est épique : des décors somptueux à la bande sonore orchestrale, en passant par des performances...

le 23 juil. 2024

2 j'aime

La Disparition de Josef Mengele
Isomedo
6

Une aventure qui manque de couleur

Après son film Limonov, la ballade (2024), dans lequel Kirill Serebrennikov s’attachait à la trajectoire d’un provocateur insolite entre art et politique, le cinéaste revient avec cette adaptation du...

il y a 5 jours