I was happy in space, looking at the stars...

The Suicide Squad est un film qui mérite un peu de contexte. Beaucoup de choses ont été dites sur le film d’Ayer. Le changement de méchant au début du scénario, l’ingérence de Warner qui était en train de paniquer pour une raison ou une autre, des heures d’images du Joker… Ayer est même revenu sur le devant de la scène ces derniers temps, affirmant l’existence d’un montage différent de celui sorti au cinéma (et de sa version étendue, j’imagine donc), alors qu’il avait soutenu mordicus que c’était déjà son montage du film (là où, pour la Snyder’s cut, on avait compris à la sortie du film que y’avait un pépin).


Bref, beaucoup de blabla autour d’un film qui, cinq ans après, reste sans doute le moins apprécié de la franchise, parce que c’est fondamentalement un film qui se prend pour ce qu’il n’est pas et est à côté de la plaque de A à Z. Mais bon, malgré tout ça, ça avait été un gros succès à l’époque, et ça a lancé la carrière cinématographique de Harley Quinn. Il fallait donc faire une suite, mais comment faire une suite d’un film décrié au milieu d’une franchise et d’un studio qui nous refont le Titanic ?


Chez le concurrent direct, on a James Gunn, auréolé des Gardiens de la Galaxie (qui ont clairement lancé le format actuel du MCU), dont je ne suis en fin de compte pas particulièrement fan. Ils sont fun et sympas, mais sans plus. Et à l’époque, beaucoup avaient déjà comparé Suicide Squad premier du nom à un sous Gardien de la Galaxie cherchant à recréer la même formule en cours de route et se planter dans à peu près toutes les lignes. Certains fans demandaient même déjà à ce que Gunn ait la charge d’un reboot : quitte à copier, autant prendre l’artiste originel et effacer l’aberration qui en est sortie.


Le miracle survient lorsque, au cours d’un tremblement de terre, Disney décide de virer Gunn (provisoirement). Ni une, ni deux, Warner saute sur l’occasion pour le récupérer dans la semaine ; rappelant un peu cette période où les artistes allaient d’un éditeur à l’autre au grès des mois. Et au bout de quelques semaines, non seulement on apprend que Warner a donné carte blanche à Gunn (on découvrira plus tard qu’ils l’ont même autorisé à faire un film Superman), mais qu’il a jeté son dévolu sur une suite à Suicide Squad, qu’on nous présente presque aussitôt comme un soft reboot, où Gunn peut choisir librement ses personnages, tout en gardant Harley.


Trois ans plus tard, et cinq ans après l’échec filmique du premier film, est-ce que le résultat est à la hauteur des attentes ?


Sans surprise, ou presque, le film est une merveille. Un petit bijou, qui me fait au passage surtout rendre compte que mon cœur influe bien sur la façon dont je prends plaisir à regarder ses films. The Suicide Squad est jouissif, absurde, jubilatoire, trash, efficace, superbe. C’est l’antithèse absolue du précédent, que ce soit autant dans la forme que dans le fond. C’est ce à quoi le précédent film aurait dû ressembler, et ce qu’un film Suicide Squad devrait être. C’est presque terrifiant de réaliser que ce film réussit exactement tout ce que son prédécesseur a pu rater avec brio : l’histoire général, l’introduction des personnages, leur dynamique, comment ils s’intègrent au récit, l’humour, la cohérence… C’en est même inquiétant.


Bien sûr, le film n’est pas exempt de défauts : il s’essouffle un peu entre les différents actes majeurs (comme s’il avait un peu de mal à négocier la transition de l’un à l’autre), ils s’éparpillent peut-être un peu trop en personnages et ils ne se mouillent pas trop avec l’univers en général (ce qu’on peut comprendre, compte tenu du contexte). Mais en dehors de ça, je me suis simplement régalé de la première image jusqu’à la dernière. Une tuerie. Littéralement. Outre sa critique évidente (voire satire ?) de l’interventionnisme américain et la petite pique caricaturale sur les dictature sud-américaine (mais bon, Corto Maltese a toujours été une allégorie de Cuba et du communisme dans les comics) ; le film donne surtout l’importance à ses personnages et a conscience de ce qu’il est et de ce qu’il prétend être, au point de s’en moquer sans se cacher.


Ainsi, un aveugle verrait que Bloodsport reprend essentiellement le rôle de Deadshot,


que ce soit pour les motivations (sa fille, qu’il projette sur Ratcatcher 2) ou son rôle au sein de l’équipe (leader du groupe qui n’hésite pas à se rebeller contre Waller). Seule la relation avec Harley change, puisqu’ils n’interagissent que très peu ensemble et que celle-ci est remplacée par la dynamique entre Harley et Flag.


Donc oui, Bloodsport est un sous-Deadshot, mais le film n’a pas peur de nous le présenter ainsi puisqu’il nous introduit Peacemaker… « qui fait exactement ce que [Bloodsport] fait ». Ce clin d’œil n’est pas anodin et montre très bien que Gunn sait ce qu’il prétend être et a conscience de ce qu’il fait.


De même, le film ne nous ment pas et tiendra ses promesses avant l’apparition même du titre : « ils vont mourir pour sauver le monde ». Et bon sang oui, c’est un carnage, du début à la fin. Parfois de façon surprenante, parfois on le sent venir, mais Gunn aura un plaisir sadique de toujours trouver des moyens plus tordus les uns que les autres pour se débarrasser de ses personnages. Quitte à devoir se séparer de certains personnages/acteurs que j’aurais aimé plus voir


(Captain Boomrang, en tant qu’antagoniste de Flash avec les Lascars ; Mongal, en rapport avec son frère et Superman du coup ; ou encore Nathan Fillon qui aurait été un parfait Hal Jordan).


Même si on devine assez vite les « plot armor », ça n’entamera pas le plaisir sadique.


Je parlais un peu plus haut de la dynamique entre les personnages comme étant l’une des forces de films. Si celles-ci ne concernent pas tous les personnages entre eux, ça reste quand même une force motrice efficace de bout en bout. La camaraderie d’école entre Harley et Captain Boomrang qui s’active à la première seconde, qui s’oppose à merveille à la camaraderie militaire entre Bloodsport et Flag. La complicité, voire l’amitié, entre Flag et Harley qui reprend vie dès les premiers instants et se consolidera de minutes en minutes,


avec notamment la scène dévoilée dans le trailer où ils vont pour la sauver mais qu’elle s’est déjà échappée.


Amitié qui du coup contrebalance exactement l’arc narratif d’Harley qui vient de se dérouler,


avec le président Luna (où Gunn part en plein délire romcom avant de reconnecter à Birds of Preys avec brio).


On peut aussi citer la rivalité de cours de récré permanente entre Peacemaker et Bloodsport donc, à la fois machiste et futile (là aussi le film en a conscience et l’assume). Sans oublier nul autre que King Shark (Nanaue pour les intimes), qui saura gagner les cœurs les plus enfantins. Que ce soit avec le reste de l’équipe, mais surtout avec Cleo (Ratcatcher 2), qui sera la première à voir au-delà du requin et l’intérêt d’en faire un ami fidèle. Cleo qui aura aussi un lien très filial avec Bloodsport


(comme je le disais, ce-dernier projette ses sentiments qu’il a pour sa fille), mais où c’est bien elle qui aura le dernier mot. Et puis Sebastian, bien sûr !


On parle aussi d’un film où Polka-Dot Man joue un rôle central, mais se révèle être aussi l’âme qui porte le film, un personnage étrange, bizarre, psychotique à souhait, et qui pourtant s’attache à ses amis, qui parvient à surmonter ses peurs et à s’assurer, et où son équipe en vient même à lui faire confiance pour le grand final. C’est juste incroyable. J’ai beaucoup apprécié le traitement de Flag dans ce film, il est plus attachant, moins « stupide » (dans l’écriture) que dans le précédent film. Son arc narratif lui rendra enfin justice. Et Harley… reste Harley : toujours aussi imprévisible et électron libre, mais qui reste fidèle à ses principes.


Gunn montre avec ce film qu’il n’est pas stupide et connait bien le matériel avec lequel il travaille, parce que non seulement il conserve l’un des rares point positifs du premier film, mais il parvient à l’améliorer : je parle bien sûr d’Amanda Waller. Dont le rôle sera moins central et aura plus de recul sur les événements, mais en même temps parviendra à se montrer toujours aussi fidèle au personnage, quitte à partir très loin avec elle, pour notre plus grand plaisir (on fait pas chier Waller). Et Gunn nous y ajoute l’équipe des consultants, qui est juste… parfaite ? Il n’y a pas d’autre mot : dans un film trash et absurde, c’est exactement ce à quoi je me serai attendu des consultants, une sorte d’humour noir hyper cynique, avec ce côté un peu fanboy. Et on a presque l’impression que Waller les traite comme ses enfants, c’est juste génial.


Ce qui nous amène au dernier personnage et coup de génie de Gunn : l’antagoniste principal. Starro Le conquérant. Un personnage que j’affectionne beaucoup à la base, non seulement parce qu’il est le premier ennemi historique de la Justice League, mais aussi parce qu’il représente très bien cette période éditoriale des comicbooks, avec des histoires de SF un peu kitch, ridicule, coloré ; et cela s’intègre parfaitement à l’intrigue et l’univers que Gunn développe dans son film. C’est donc sans surprise que Starro ne décevra pas un seul instant du film : tous ses éléments y sont, que ce soit le côté absurde d’une étoile de mer de l’espace qui contrôle les esprits ; ou la menace sérieuse et terrifiante qui pèse sur la ville.


Je me demandais comment Gunn allait s’en sortir sans faire intervenir la Justice League, et je dois admettre que j’apprécie beaucoup. Non seulement ils utilisent tous les points forts des personnages, mais chacun peut conclure son arc narratif :


Cleo remplit sa vision prophétique ; Bloodsport renoue avec sa fille et surmonte sa peur des rats ; Harley comprend enfin son but dans cette histoire (avec un mixe entre le McGuffin et le fusil de Tchekhov) ; Polka-Dot Man devient un super-héros non pas parce que sa mère l’a décidé mais par ses actions ; et Nanaue remplit son estomac.


C’est un travail d’équipe équilibré qui se conclut dans un final poétique magnifique. Un truc improbable dans un film Suicide Squad et qui pourtant est parfaitement logique dans ce film. Sublime !


Le casting survole ce film de toute part qu’il en est difficile de n’en choisir qu’un. Bien sûr, beaucoup n’apparaissent que trop brièvement pour qu’on puisse les juger


(je pense à Nathan Fillon par exemple),


mais ils s’investissent à fond.


Le meilleur exemple de ça est sans doute Jai Courtney, ou même Michael Rooker.


À l’image de son personnage, j’ai beaucoup aimé ce que Joel Kinnaman propose sur ce film (beaucoup plus que dans le précédent) et sa dynamique avec Idris Elba et John Cena fonctionne vraiment bien. Le premier sera d’ailleurs toujours aussi fabuleux dans des rôles qu’il investit pleinement ; le second s’en sortant étonnamment bien mieux que ce à quoi je m’attendais. C’est pas flamboyant, mais y’a un talent de comédien et d’auto-dérision derrière ce tas de muscles, un peu à la Scwharzy ou Dwayne Johnson.


Grosse découverte avec Daniela Melchior, qui pousse peut-être le trait un peu trop loin, mais qui fonctionne très bien dans le film. De la même façon que Peter Capaldi, qui se régale de bout en bout. On devine que Stallone a dû aussi beaucoup s’amuser à doubler Nanaue. David Dastmalchian est à l’image de son personnage : bluffant et attachant. Juan Diego Botto, Joaquín Cosio et Alice Braga sont efficaces dans leurs personnages assez caricaturaux là aussi. Beaucoup aimé Tinashe Kajese, Jennifer Holland et Steve Agee consultants de Waller, ils font vraiment fonctionner cette équipe. Margot Robbie continue sa composition d’Harley Quinn en étant de plus en plus juste qu’elle en devient indissociable à présent. Et Viola Davis… tue encore le game en tant que Waller, Gunn la laissant en roue libre et elle se fait plaisir.


J’avais parlé du premier film qui se voulait une copie des Gardiens de la Galaxie. L’un des points qui avait permit le rapprochement, c’est bien sûr la bande son (emblématique chez la duologie de Marvel) qui se plantait royalement dans le film d’Ayer. Je disais aussi plus haut que The Suicide Squad réussissait partout où son aîné s’était planté. La bande son en est sans doute l’exemple le plus illustratif, et Batman sait qu’il y en a pourtant pléthore dans ce film. Je suis plutôt partisan des compositions symphonique, et la bande originale de John Murphy est un petit régal avec ses tons qui s’ancre à merveille avec l’ambiance. Ajoutons donc une bande son qui fonctionne du tonnerre cette fois-ci, et on se régalera devant ce film.


Au-delà même de l’intrigue, on sent dans la façon de faire ce film que Warner a vraiment laissé carte blanche à Gunn pour faire tout ce qu’il voulait. On sent un film décomplexé, que ce soit par la mise en scène qui reste classique et efficace, mais n’hésite pas des éclairs de folies ici et là avec des scènes et des plans superbes :


le plan d’intro, bien sûr, qui annonce la couleur ; ce sorte de traveling presque obscène et hors de contrôle après la scène d’ouverture ; l’évasion de Harley Quinn où on entre dans son délire ; le combat final avec justement cette conclusion d’une poésie aussi rare qu’elle est belle ; le passage romcom totalement improbable ; la petite baston entre Flag et Peacemaker ; l’infiltration du camp d’insurgés.


Gunn se régale, prend du plaisir et se lâche complètement. La violence graphique est à la fois gratuite et théâtrale, presque glorifiée à l’excès au point qu’on sent toute l’ironie du procédé et la touche cynique qu’il y a derrière. Les effets spéciaux tous comme les décors sont d’ailleurs d’excellente qualité, de même que la photographie, avec ces éclairages parfois sursaturés ou avec des contrastes marqués. On a une action qui se passe parfois sur plusieurs niveaux de lectures, mais aussi sur plusieurs niveaux de plans sans pour autant nous détourner de l’action. Le découpage des différents actes avec les titres qui s’incrustent de façon diégétique (ou pas, on se le demande), quitte à s’en moquer ouvertement pour accentuer encore plus le côté absurde, en est un autre exemple.


Bref, The Suicide Squad est un film décomplexé, absurde, jouissif, qui sait très bien ce qu’il prétend être et l’assume complètement, sans chercher à aller plus loin. Au-delà d’être une simple réussite éclatante comparée à son prédécesseur, le film se révèle didactique sur la façon d’aborder ce genre d’intrigues et de personnages point par point. Gunn nous livre une œuvre libre, rafraichissante en un sens, où on se régale de bout en bout. Une pépite qui nous donne envie de la revoir aussitôt finie. Tout fonctionne et ça tient du miracle. Mes attentes ont été remplies et même largement dépassées !

vive_le_ciné
8

Créée

le 26 août 2021

Critique lue 97 fois

vive_le_ciné

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