On aura sans doute usé de tous les superlatifs pour vous décrire toute la beauté atypique de The Ugly Stepsister dans le genre qu'il représente.


J'ai envie quant à moi de vous livrer un ressenti sous le masque.


Et surtout, ce sentiment magique que j'ai éprouvé tout au long de la séance, tant la réalisatrice, Emilie Blichfeldt, a réussi à m'emporter dans sa tourmente tranquille et sa structure de conte de fée a priori dévoyé. Avant de se souvenir que cette forme, à sa source, renvoie imparablement à une sorte d'horreur primitive et choquante, aux peurs et à la psyché enfantines.


Cendrillon y est repoussée au second plan, pour mieux propulser l'une de ses belles-soeurs au rang d'héroïne tragique, prise au piège des traditions et des carcans sociétaux, de la tradition patriarcale, des regards des hommes et des illusions que l'on introduit de manière pernicieuse dans la tête des petites filles.


Toute la souffrance mise en image dans The Ugly Stepsister peut être réduite au carcan du corset d'une robe de bal enfilée avec d'énormes difficultés, coûte que coûte pour mieux enfermer le corps d'Elvira. Et si la magie s'invite parfois à l'image, celle-ci est quasi systématiquement contre-balancée soit par le sordide, voire le glauque, ou plus simplement l'horreur de la situation. En sourdine, sans aucune démonstration de force spectaculaire ni explosion incontrôlée. Le choc est au rendez-vous en plusieurs occasions, oui, mais excisé du grand guignol moderne qui l'accompagne souvent pour impressionner le spectateur.


Dans The Ugly Stepsister, et surtout dans l'oeil du masqué, l'horreur se dessinait d'une manière lancinante, à la lumière d'une ambiance feutrée ponctuée de plan en forme de quasi-tableaux, d'une imagerie de conte de fée à peine retouchée, d'une musique aussi étrange que décalée. La violence, elle, s'imposait surtout par petites touches. Par la désacralisation d'un prince idiot et fruste, par une mère qui n'en a que le nom et prête à tout pour s'élever socialement, par la réalité économique à laquelle il faut échapper.


Mais la violence décrite par Emilie Blichfeldt, c'est surtout celle naissant de la confrontation avec la réalité, toutes ces petites réflexions et ces regards qui font mal. Cette fausse compassion, les humiliations du quotidien et les mots crus qui font mal. Et aussi, et peut-être surtout, cette haine de soi instillée et cette volonté de martyriser un corps imparfait ou, au moins, de se soumettre à cette torture, à l'image du redressement d'un nez à l'aide d'un ciseau à bois ou de la pose de faux-cils, d'une manière assez traumatisante pour détourner le regard l'espace d'un instant...


De sorte que pas seulement cette belle-soeur se montre ugly, mais par extension chaque personne qu'elle rencontre, ainsi que l'environnement dans lequel elle évolue, malgré la jolie photographie laiteuse, les leçons suivies à l'école de maintien, les longues scènes de répétition et de danse ou le bal final d'un autre temps.


Voyage tout aussi insidieux qu'éprouvant, The Ugly Stepsister se mue en sorte de film idéal sur la souffrance et la condition féminine, d'une force tout aussi tranquille qu'impressionnante. Une véritable perle noire qui, pour une première œuvre, se permet de surpasser très largement quelque cousine boursouflée sans idées faisant d'un freak show et du retour d'une actrice sexa ses seuls arguments de vente.


C'est Coralie qui ne doit pas être très heureuse...


Behind_the_Mask, qui n'a pas envie de souffrir pour être belle.

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le 9 juil. 2025

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