Pour sa première œuvre en tant que réalisatrice, Nadia Conners réunit une troupe de très bons acteurs parmi lesquels Walton Goggins (époux de la réalisatrice), Pedro Pascal, Elizabeth Reaser, et Lois Smith, qui assistent tous à une réception regroupant dans une superbe villa hollywoodienne acteurs, producteurs et réalisateurs, ainsi qu'une invitée imprévue et étrangère à cette petite sphère fermée, qui va venir remuer les esprits de quelques convives tourmentés.
The Uninvited prend donc place dans la maison de Sammy (Walton Goggins), un agent d'acteurs, et de son épouse Rose (Elizabeth Reaser), ancienne comédienne de théâtre renommée, alors qu'ils s'apprêtent à donner chez eux une petite sauterie à laquelle n'est invité que du beau monde. Mais alors que la soirée doit commencer sous peu, une vieille femme (Lois Smith), visiblement déboussolée, vient chez eux en affirmant qu'il s'agit de sa maison. Comprenant bien qu'elle n'a sans doute plus toute sa tête, Rose l'invite à rester et cherche à contacter sa famille pour tirer cette histoire au clair. D'aucun ne se doutait alors que cette nuit serait le théâtre de tensions, de vieilles flammes ravivées, et de résurgence de fantômes du passé.
Le mot « théâtre » n'est pas ici choisi au hasard, puisque le dispositif de The Uninvited semble parfois en utiliser les codes. Le film pourrait parfaitement être subdivisé en actes et scènes que l'on verrait très bien adaptées sur les planches, à l'inverse de la pièce dans laquelle le personnage de Rose a joué il y a longtemps, et qui doit être adaptée au cinéma avec à sa place une actrice plus jeune. Mais pour lui donner la réplique, le même acteur qui avait accompagné Rose à l'époque sur scène, ainsi que dans l'intimité, le séduisant Lucian, incarné par Pedro Pascal, et qui lui aussi s'invite à la fête, causant par la même occasion quelques remous dans le ménage.
Problèmes de couple dont la flamme semble estompée avec le temps, crise de la quarantaine du mari à cause d'un travail qu'il déteste, amour de jeunesse qui fait resurgir de vieux souvenirs et éveille des regrets, partenaire délaissé se tournant vers l’adultère, une femme plus jeune qui vient prendre la place de Rose dans le plus grand rôle de sa carrière, ou encore une crise existentielle pour cette dernière qui n'est pas certaine d'aimer être mère. Le vieillissement et le temps qui fuit sans que l'on ne puisse le rattraper forment le cœur de l'intrigue et du développement de personnages désireux de retrouver leur jeunesse, leur fougue, leur insouciance.
Au milieu de tout ça, le personnage de Helen, la vieille femme confuse, fait figure d'incarnation de cette dure réalité. Empêtrée dans ses propres souvenirs flous et emmêlés, elle qui pense reconnaître une maison qui fut la sienne, ou croit reconnaître en Sammy un mari décédé, est presque une sorte projection de leur futur. Cette ancienne actrice qui a elle aussi connu les fastes d'Hollywood se reconnaît en eux et en ce lieu, pas seulement en raison de la démence qui la ronge sans doute, mais bien parce qu'elle a vécu une vie très similaire, traversé les mêmes déboires, et à plusieurs reprises, durant des échanges pouvant paraître insensés, incohérents, ses mots sonneront pourtant d'une étonnante justesse.
Ainsi, ce sont aussi la superficialité d'Hollywood, les faux amis que l'on y rencontre, la gloire éphémère qui nous est arrachée lorsque l'on est considéré comme dépassé, les idées nauséabondes qui y règnent parfois, qui sont critiqués. Mais le tout avec toujours un humour grinçant qui donne aussi au film ses airs de comédie dramatique, et nous fait rire presque plus souvent qu'il ne nous émeut. Le ton piquant et noir de Nadia Conners nous amuse subtilement, au lieu de chercher à forcer les éclats de rire. Aidé par un casting plus que solide, The Uninvited est une agréable surprise trop peu mise en avant. Son traitement des affres du vieillissement et des malheureux clichés de genres qui les accompagnent, emballé dans cet enrobage Hollywoodien plein de strasses, artifices et autres faux-semblants, en font une comédie noire et dramatique originale, et une scène propice à ses personnages écrits finement, qui nous y dévoilent toute leur intimité, jusqu'à la couleur de leurs âmes.
(Continuez de donner des rôles principaux à Walton Goggins, cet acteur mérite plus de lumière)
(et bien sur Pedro est là, Pedro est partout)