Cétacé morbide

Quel que soit le versant par lequel on en tente la vertigineuse escalade, The Whale n'offre guère de prise autrement que sous forme d'un ébahissement béat devant un "spectacle" aussi agressif, mélangé à un vague sentiment de répulsion. Il s'agit bien d'un film de Darren Aronofsky, sans doute le cinéaste le plus à même de cheminer sur un fil, entre génie et grotesque. En l'occurrence, loin de ses habituelles extravagances visuelles, son adaptation d'une pièce théâtrale l'oblige à un huis-clos centré sur son personnage principal et, en particulier, avec insistance sur l'exposition de son apparence physique, ce qui devrait pour le moins lui valoir d'être taxé de grossophobie. Il est difficile d'être à l'aise devant cette obésité morbide, surtout quand elle s'accompagne de crises que le cinéaste ne place jamais hors champ. Cela fait partie de la posture Aronofskyenne, ce côté monstrueux montré à l'envi, qui cependant ne parvient pas à faire oublier, et c'est autrement plus captivant, que le sujet principal de The Whale est bel et bien la dépression et l'auto-destruction, thèmes ô combien traités depuis longtemps par le cinéma américain mais davantage en évoquant alcoolisme et addiction à la drogue, par exemple, moins obscènes à montrer à l'écran. Là, pas question d'échapper à la vision sordide de ce cétacé humain, échoué dans son fauteuil. La rédemption (résurrection ?) est toutefois au cœur du film, via les interactions du susnommé avec une poignée de protagonistes, loin d'être dans la compassion. Que dire sinon de Brendan Fraser à part qu'il est époustouflant dans son rôle hors-normes de Moby-Dick, auquel l'Oscar semble promis ?