Mali. Terre de feu, d'ocre et de sang. Terre de sourires perpétuels, d'odeurs et de sons. Terre aimée, Mali. Aux Baobabs majestueux, aux cases modestes, aux pileuses de mil, aux mille enfants rieurs, Terre chérie, Mali.
Terre brûlée par les rayons d'un soleil de plomb. Calcinée aussi par la violence humaine. Terre militaire, terre meurtrière, misère avide.
Du barroud sur les routes maliennes, dont les souvenirs ont hanté ma mémoire tout au long de la projection de Timbuktu, restent ces images et ces sons, ces odeurs et cette chaleur, comme autant de contradictions, constitutives de ce pays fabuleux sous bien des aspects.
Entre le film et le souvenir, un affrontement, violent. Ce qu'on aimerait ne pas découvrir de l'évolution lente et mortifère de ce qu'on a connu si beau. De la violence quotidienne qui s'immisce dans des familles autrefois si tendres et accueillantes.


Timbuktu est la quintessence de la violence psychologique au cinéma pour celui qui s'est attaché, profondément, à un peuple, à des paysages, désormais corrompus par le mal.


Timbuktu c'est aussi le choc, face à la réalité, jamais dévoilée, du djihadisme : du fanatisme à visage humain, qui se chamaille sur le football et stresse devant une caméra. Loin du stéréotype, facile, véhiculé par les médias occidentaux du monstre assoiffé de sang, le djihadiste est ici un homme, comme vous et moi, embarqué dans une aventure grotesque et destructrice. Pour la grande majorité d'entre eux, les combattants sont des victimes. Victimes d'un embrigadement, victimes d'une pression sociale, victimes d'une force coercitive armée.
Le Djihadiste est un homme, un homme perdu : C'est le sens profond de Timbuktu. Cessons de dire que nous sommes en guerre, cessons de percevoir l'autre comme nécessairement dangereux et comme un ennemi à abattre, trouvons le courage, par delà la peur, de considérer ces hommes qui combattent comme l'occident comme des êtres humains, qui comme nous boivent et mangent, comme nous, chérissent leurs enfants, comme nous, ne parviennent pas à respecter à la lettre les règles prescrites par les instances supérieures.
La condition d'une paix possible et durable est un réel effort pour apprendre à universaliser notre conception de l'humain à ceux-là même qui nous semblent si différents.


Si cette critique n'a pas permis de vous convaincre de vous ruer dans une salle de cinéma qui le projette encore, sachez enfin, que les images sont absolument fabuleuses : des portraits à couper le souffle, des paysages dénudés et teintés des couleurs de l'Orient. A cela vient s'ajouter une BO parfaitement choisie, reconnue à sa juste valeur par le jury des Césars.


Un des très grands films de cette année 2014.

Créée

le 29 mars 2015

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