Dénigrer à ce point ce qui fonde la beauté du cinéma, mélanger des tonnes d’images sans liant, sans enjeux entre eux pour créer un produit logique et limpide à l’arrivée. Ce Transformers 3 tire une célébrité peu flatteuse auprès du public, pourtant je voulais m’y confronter pour ne pas mourir idiot, ou du moins savoir échafauder un avis sur quelque chose que j’ai vu. C’est un peu la base déontologique d’un bon critique/journaliste de cinéma.


J’étais conscient que le blockbuster US traversait une crise profonde qui pourrait déterminer d’ailleurs sa fin toute proche. Pour me joindre à un autre article qui aborde la situation désespérée dans laquelle s’est engouffré l’industrie du divertissement Hollywoodien, je me souviens avoir lu une très belle analyse d’un magazine belge qui revenait sur la sortie d’Inception de Christopher Nolan. Que l’on soit pour ou contre ce film, peu importe. Mais c’était l’occasion rêvée de faire le point et sonder ainsi le futur d’une tendance que j’ai toujours affectionné, moi qui ait grandi avec le Blockbuster. Le journaliste, via des sources et un argumentaire éclairés, en arrivait à la conclusion que les Majors aiment se rassurer, miser leurs précieux deniers sur des franchises qui marchent, pétries d’une prise de risque nulle et garantes de stratégies marketing sûres et efficaces. Les hypothèses soulevées déterminaient qu’il était fort possible de voir apparaître un « nouvel Hollywood » comme ce fût le cas dans les années 70 où les rennes de la réalisation étaient confiées à des cinéastes cinéphiles contrebandiers qui affectionnaient les marginaux et la méfiance de l’ordre établi. Inception a été l’occasion pour les observateurs de tout poil de mesurer l’enthousiasme généré par ce Blockbuster « d’auteur » qui avait réussi à satisfaire un public exigeant de passionnés. Parce que le cinéma, c’est avant tout une question de sensation, d’atmosphère et de magie. Les costumes-cravates veulent capitaliser à outrance sur des stratégies gagnantes. Donc des miettes pour les cinéastes « d’auteur » qui ont de vrais projets à concrétiser et des semi-remorques de billets verts pour les yes-man à la solde de producteurs plus motivés par Box-Office Mojoe que par une simple couche artistique. J’étais prévenu de l’étendue du désastre avant de matter ce truc, mais à ce point…


Je suis ressorti de T3 atterré, dépité et groggy. OK, je suis vieux, je pense détenir une bonne culture cinématographique, je suis passionné par le 7e Art depuis mon plus jeune âge passant sans sourciller d’un Borzage à McTiernan. Mais avec toute la volonté du monde, en prenant soin à déconnecter mon cerveau et en faisant abstraction de ce qui se raconte au sujet du film dans les médias, j’ai jugé ce titre comme une insulte à… Tout!! Tout ce qui fonde l’Homme et son intelligence, tout ce qui devrait être beau ou du moins banal entre les cadres. Cette immonde bouse se paie le luxe de réunir les plus grandes tares qui gangrènent notre Blockbuster moderne : scénario indigent à la limite de l’abstraction, réalisation convenable mais néanmoins nauséeuse avec ce recours massif à des plans qui tanguent plus intensément encore qu’un Ferry en période de grande houle (Je sais ce que c’est, vous pouvez me croire), effets spéciaux impressionnants mais laids, tics de mise en scène épouvantables et enfin, un vide intersidéral se meut dans cette cacophonie d’explosions rendant toute velléité émotionnelle caduque et hilarante d’échec. Car Michael Bay, le pire, croit qu’il a tourné un film qui a attiré les larmes! Force est de constater que cet océan « non-sensique » ne peut accoucher que de scènes bancales, y compris dans les pointes amoureuses ou solennelles lors de grosses vagues promotionnelles sur l’effort de guerre vantant l’héroïsme et le patriotisme bien gras.


T3 en fait est dangereux sur ce qu’il est, à savoir un étron technique qui se veut un spectacle de cirque bas de gamme qui annihile l’histoire au profit d’un combat ridicule entre le bien et le mal. Mais le pire, c’est qu’il est dangereux sur ce qu’il dit : la marchandisation de l’individu qui doit nécessairement travailler pour réussir et être beau pour (se) vendre, le traumatisme du 11 septembre sur lequel Bay crache dessus sans pitié et enfin, la dictature technique comme seul rempart au néant absolu et risible qui rejette une quelconque profondeur.


Je ne souhaite pas qu’un Blockbuster puisse me donner à philosopher, je veux juste qu’il me divertisse. Avec un gros paquet de pop-corns et des potes en salles, y’a moyen de se marrer en mode « cinéphiles déviants » et encore c’est limite. Mais comment garder sous silence la fresque industrielle de ce wagon publicitaire à coups de placement produit et d’un idéal placé sous le signe de gagner encore et toujours du fric ? Est-ce que c’est nous, les spectateurs, qui sommes directement demandeurs de pareilles offres industrialisées qui ménagent nos cerveaux lobotomisés ? Même avec cette débauche de moyens, le film ne divertit pas, il s’enfonce dans la médiocrité crasse. C’est grave, très grave. Il est chiant, pompeux, moralisateur et exténuant. La Vitaa (la « blonde » hum) de Shia fait penser à un trans, la petite larve Shia donne des envies de meurtre, Malkovich cabotin est venu encaisser son chèque et Dempsey… Cette entreprise sordide fait tout en mal pour qu’on la déteste. Tellement épouvantable et écoeurant, que ce film risque d’atterrir dans ma DVDthèque pour la simple et unique raison qu’il me fascine. Parce que j’ai envie de comprendre pourquoi à Hollywood, on engage un réalisateur qui possède l’âge mental d’un gosse pour tourner un film qui vaut 200 millions, pourquoi l’histoire est incompréhensible, pourquoi l’action repose sur rien,…


Après 150 minutes de supplice (oui, j’ai tenu jusqu’au bout), j’avais envie de crier : rendez-nous McTiernan ou même soyons fous, Chuck Norris. Ce dernier, sous des couches de conneries, savait se montrer amusant et respectait l’action. En 2011, avec les moyens mirobolants mis à notre disposition, on est pas foutu de construire une mise en scène qui tienne la route, une galerie de personnages juste « humains » et des scènes d’action qui sont un tant soit peu convaincantes sans recours à des flasques numériques dégoulinantes. L’heure est grave. A en croire le journaliste en question, s’il pronostique l’occurrence imminente du « Nouvel Hollywood », faites qu’elle se réalise le plus rapidement possible. Si même le plaisir coupable n’est plus repus, c’est que la situation est alarmante.


Malgré cet étalage verbeux, je me suis bien marré (jaune)

Nass_
4
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le 19 avr. 2018

Critique lue 144 fois

Nass_

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