L'été est toujours la saison la plus propice au fleurissement d'un grand nombre de blockbusters. En 2014, Transformers : L'Âge de l'Extinction est le premier d'une longue liste composée majoritairement de films qui rejoindront sans doute le panthéon des "paris ratés" (en tout cas sur le plan du box-office) d'une période cinématographique décidément bien étrange.

À vrai dire, Transformers 4 présente bon nombre de paradoxes que l'on pourrait rapidement établir à l'aide d'une série d'oxymores qui qualifient parfaitement la tonalité générale du film : neuf / old school ; long / rapide ; potache / sérieux ; ou encore badass / moraliste. En cela, T4 surprend et interpelle. Premièrement car Michael Bay nous avait habitué à tout sauf à ce qu'il nous sert pendant une bonne heure : du contexte. En clair, Bay prend son temps et l'assume : 40 minutes (à vue d’œil) sont ainsi consacrées à la présentation de Mark alias Cade, de la blonde alias Tessa, ou bien de Kelsey alias Harold ; plus particulièrement de ce cadre familial à la limite du redneck, limite qu'il aurait sans doute franchie s'il ne s'était pas trouvé au milieu des champs un super-papa surprotecteur aux gros bras et une espèce de mannequin blonde même pas majeure. L'étonnant choix de casting de Wahlberg s'avère relativement payant - l'acteur quadra apportant une touche de maturité bienvenue après les délires d'ado et les gueules ahuries (en passe de devenir pesantes) de Shia le Déglingo. Il y a sans doute d'autres responsables à ce soudain revirement vers le premier degré (le réal sans doute) mais il est indéniable que ces deux éléments (la présentation et l'acteur) y jouent un rôle prédominant. Le véritable point fort de cette partie-là étant un scénario en forme d'entonnoir qui fait avancer ses personnages vers l'action pour les pousser à agir et à avancer et non à attendre que la menace vienne tels des super-héros ; il trouve sa limite dans sa mise en place, bien trop difforme autant dans son rythme que dans son cadrage pour être clairement saisi.

Évidemment, nous sommes aussi en face d'un des animateurs essentiels de ce cinéma-là : le cliché, cet outil formidable qui vous permet de tout simplifier en un claquement de doigts pour faciliter la réception cérébrale (assez limitée) de votre spectateur. Pour faire court, l'image est grosse mais au moins, on l'assimile. À part ça, Bay s'offre une folie en inventant pour la toute première fois de méchants militaires ; se sert d'un montage finalement pas si épileptique que ça ; et trouve avec une certaine habileté des design de robots et des décors franchement sympatoches. Puisque l'éloge est lancée, continuons sur les qualités, et la suivante fera tout particulièrement office de surprise : sans pour autant pousser la réflexion jusqu'à en faire plisser des sourcils, le mini-complexe moral du patron de l'entreprise TSI (je suis le diable ou je suis humaniste) à un instant T du script apporte un souffle (très très léger) d'intelligence au récit, et au traitement de ce dernier.

Michael Bay est un réalisateur que l'on adore détester - pour un bon nombre de raisons pas toujours valables - et le film se plaît à le rappeler. De ce point de vue-là, Transformers 4 pousse la logique du divertissement à l'extrême. À cet instant précis de l'article, il convient d'admettre que l'avis du critique vaut autant que celui de votre boulangère, c'est à dire rien. Le critique peut bien, avec ses armes de persuasion les plus poussées, tenter de vous faire adhérer à sa thèse - je le ferai, et sans doute mieux que votre boulangère - mais c'est d'ores et déjà cause perdue si vous êtes hermétique à ce genre cinématographique. Dans cette jungle où se confondent reproches, promesses et attentes, tentons tout de même d'éclaircir le sujet.

Bay est donc un réalisateur dont l'unique but est de s'éclater, et de faire plaisir à l'enfant - parfois l'ado - qui se trouve en chacun de nous. C'est une vision du cinéma comme une autre, et assumer cela à Hollywood aujourd'hui n'est pas facile du tout (cela l'était plus autrefois, dans une moindre mesure). Se pose alors la question du public auquel le film s'adresse. Question à laquelle on appose rapidement une réponse en regardant la bande annonce ou en lisant le synopsis : vous savez alors ce que vous allez voir, et avec Bay - soyez-en sûr - vous l'avez. Ce que vous avez, c'est à peu près tous les éléments qui constituent le paroxysme du blockbuster made in Michael : des soleils couchants, des lens flare, des contre-plongées, des mouvements de caméra de DINGUE, des dialogues bidon, des violons, mais aussi des mecs à lunettes noires, des drapeaux américains de partout, des mitraillettes, des courses poursuites folles, des explosions ahurissantes, et une place de choix pour l'armée américaine qui alterne souvent entre une propagande à peine déguisée et un patriotisme nauséeux. Le moteur de ce cinéma-là est toujours le même : le vertigineux, l'étourdissant, le bruyant, l'overdose même parfois. Cette sorte d’exubérance formelle - il faut bien le dire - ne joue pas en la faveur de l'appréciation de certains, voire d'une majorité de spectateurs, pour qui le spectaculaire a toujours eu des limites : ici, il n'y en pas. Place au grand show Hollywoodien comme il n'en existe plus, au côté désuet du rock des années post-80s, à l'authentique, au nostalgique mais finalement au risible. Difficile de ne pas y voir un pied de nez à tous ses détracteurs, une réponse sur-vitaminée aux critiques les plus virulentes qui accompagnent le réalisateur depuis ses premiers longs métrages. Car si l'on reprochait aux précédents Transformers une débauche de scènes d'action fracassantes, jamais l'on avait été confronté à un tel spectacle visuel. Bay a parfaitement compris cela, et ici, tout est volontaire : c'est une manière de donner le bâton pour se faire battre par à peu près toujours les mêmes, en même temps que de donner vie - plus que jamais - au fantasme innocent de son public. Il y a là une forme de schizophrénie, ou en tout cas de dichotomie de l'être humain, et, au fond, Michael Bay en est peut-être la personnification la plus sublime, symbole de ce que l'homme aime et répugne en même temps.

Transformers : L'Âge de l'Extinction est donc une initiative cinématographique comme il n'en existe quasiment plus, totalement démesurée et diaboliquement jouissive. Une initiative qui sent l'été, le popcorn, la sueur, et les mini-shorts à plein nez. Tout le charme d'un bon plaisir coupable.
critikapab
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le 19 juil. 2014

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